DANIEL J. BERGER
Après une incursion de quelques années à Deauville, le salon des vins naturels La Dive Bouteille revient à la Loire là où il débuté — … parce qu’on a tous en nous quelque chose de T’es Né / Ici, parce que le fleuve, c’est sacré / parce que les racines, c’est bon pour la minéralité / la 11ème DB roule cette année / in the incredible souterrains of Château de Brézé *. Entretien avec Sylvie Augereau, son organisatrice militante et branchée.
Question 1 — Qu’est-ce qui vous a amenée au vin ?
Sylvie Augereau — Toute petite, j’avais une fascination pour la bouteille, l’objet je veux dire… Et le lieu où je descendais avec ma mère m’émerveillait, la cave. Mon grand père Albert Augereau tenait un restaurant sur les bords de Loire, Jeanne de Laval, qui servait du poisson (de Loire), c’était un rendez-vous de copains, j’y ai grandi. Puis à l’époque du lycée, j’ai commencé à piquer des bouteilles, à déguster, à picoler alors que mes copains étaient à la bière et aux alcools forts. J’y suis tombé. J’aime beaucoup, beaucoup le vin, tout simplement.
Après mes études de lettres à la fac de Tours, je suis entrée dans une petite agence de com à Saumur, APQR. Mais la pub et son « vent » ne me passionnaient guère. Je me suis dit que la vie était courte, qu’il fallait la remplir. Avec ce que j’aimais : le vin. Et ce que je savais à peu près faire : écrire. J’ai tout plaqué et suis partie sur les routes du vin. Je suis devenue ouvrière viticole, pour savoir de quoi je parlais, m’y frotter. Jusqu’à ce que je rejoigne Antoine Gerbelle, qui m’a fait spontanément confiance. Il officiait alors pour le site de La RVF et venait d’arrêter, à regret, l’édition de son Guide de Charme. Quelques années plus tard, j’ai en quelque sorte pris son relais en sortant mon Carnet de vigne, dont c’est la 2ème édition (1). Voilà donc mon parcours initiatique de vin…
* Paroles de Sylvie Augereau (ci-contre), musique de Michel Tolmer
Q 2 — Et puis vous vous êtes lancée dans l’aventure Dive Bouteille.
S. A. — C’est Catherine Breton, de Bourgueil, qui l’a créée en 2000, dans le style Off de Bordeaux, pour réunir des viticulteurs de toute la France engagés dans une démarche « naturelle ». Au bout de 2-3 ans, elle s’est essoufflée et m’a proposé de prendre la suite. Je ne savais pas vraiment en quoi cela consistait. L’idée de propager la bonne parole me plaisait, elle me semblait plus efficace que le papier glacé pour faire connaître de jeunes vignerons en peine. Mais l’esprit était le même : provoquer les rencontres, aussi bien entre les vignerons qu’avec leurs clients « passeurs », sans lesquels ils n’existent pas, et montrer une alternative au vin préfabriqué qu’on nous montrait en exemple.
Tout comme sur le papier, le principal est d’humaniser le vin, à commencer par un vocabulaire accessible — j’aime dire : « ce qui se boit bien s’énonce clairement ». Pour casser cette image d’ »Ayatolas du sans soufre » qu’on leur avait collé, j’ai lancé l’idée une année de se déguiser. Tout le monde a joué le jeu. C’était merveilleux ! Nous avons aussi milité, monté des associations, secoué le cocotier à raisin. Il fallait que ce rassemblement soit utile. Voilà quatre ans, nous sommes allés rejoindre les jeunes chefs d’Omnivore. Le fossé entre les mets et le vin s’était creusé : j’espère que nous l’avons un peu comblé.
Après les années Deauville, nous sommes revenus cette année à notre patrimoine de la Loire, au château de Brézé (ci-dessous, ceps replantés protégés), un lieu exceptionnel entouré de douves sèches (les plus profondes d’Europe) sur lesquelles débouche un réseau troglodyte où exposent les 125 vignerons participants; et un vignoble exceptionnel très réputé jadis pour ses blancs (2). Mais les vignerons ne se séparent pas d’Omnivore, on reste proche de la jeune gastronomie, le vin naturel est son allié, il ne faut pas lâcher (3).
La Dive est devenu un rendez-vous attendu. Cette 11ème édition aura accueilli 2 000 visiteurs venus d’un peu partout, des amateurs, et des acheteurs, restaurateurs, cavistes, importateurs notamment d’Allemagne, d’Australie, des Etats-Unis. Les vignerons, eux, viennent pour s’y retrouver, discuter et… s’éclater. Chaque année c’est différent, on évolue ensemble dans la fête (ce soir on va la faire la fête, ça c’est sûr). La température a cette année juste été trop basse pour bien goûter les rouges : glou-glou, but gla-gla…
Q 3 — Comment qualifieriez-vous votre doctrine ?
S. A. — Je ne sais pas si le mot doctrine convient vraiment… Nous nous retrouvons sur l’idée d’artisanat — le vigneron est l’un des derniers artisans —; celle de terroir aussi; et d’humilité : en Loire, la majorité des vignerons demeure humble, ils trouvent des idées, font des choix, créent des formules, réussissent des paris… et produisent des vins magiques à moins de 10 €.
C’est la région vinicole la plus dynamique de France à mon avis. Et puis nous avons ce côté militant, militant de l’origine : le vin vient du raisin, résulte de la fermentation, il ne s’invente pas. Donc si doctrine il y a, c’est celle de vin « nature », qu’il soit bio, biodynamique, sans soufre… Le jeu, périlleux, consiste à ne rien lui ajouter et à ne rien lui enlever, pour le laisser s’exprimer dans son entière complexité, en toute digestibilité… loin du productivisme manufacturier qui est encore, pour l’instant, le standard de la viti-viniculture dans le monde.
Propos recueillis le dimanche 31.01.10 à 16h15 par Daniel Berger à Brézé, Maine-et-Loire
Je n’avais jamais pris le temps de vraiment lire les articles de notre blog. Je viens d’en lire deux en particulier : Marie-Pierre Chauvin et l’interview par Daniel de Sylvie Augereau.
Bon moment de détente et de culture. Cela fait du bien et vive la Loire !
Ces quelques commentaires me donnent envie d’aller à la prochaine édition de la Dive !