MUSICA VINI — un après-midi de concert-dégustation, dimanche 25 août prochain de 15h à 19h sur le site de l’ancienne abbaye cistercienne de Bellebranche à Saint-Brice (Mayenne), à 10 km de Sablé-sur-Sarthe. TROIS VINS de Loire — Coteaux du Layon-Chaume, Saumur-Champigny, Chinon —, vont inspirer TROIS ORCHESTRES — baroque, instrumental, jazz, intermèdes par JACQUES PUISAIS (ci-dessous). PORTRAIT d’un maître du goût.
La première édition de Musica Vini doit beaucoup à ce savant du goût, ce Sage de l’univers sensoriel. C’est en allant le rencontrer et discuter avec lui à Chinon à plusieurs reprises que l’idée a germé, en l’écoutant expliquer que la dégustation du vin fait appel aux cinq sens — vue, odorat et goût bien sûr; toucher aussi, par le verre; ouïe quelquefois, quand on écoute pétiller les vins effervescents. Mais la plupart les vins sont « tranquilles », sans bulles. Alors pourquoi ne pas leur associer l’ouïe plus étroitement, en écoutant de la musique ? La rencontre vin et musique prenait forme, le projet Musica Vini était né.
Qui est Jacques Puisais ?
Docteur en sciences, c’est au début des années 60 qu’il se pose à Chinon pour prendre la direction du Laboratoire d’analyses et de recherches de Touraine. Il étudie l’eau, le lait, la terre, les légumes et les fruits et tout ce qui fait l’environnement de la centrale nucléaire. Il intègre vite les mentalités des agriculteurs et des viticulteurs et leur philosophie, celle de Rabelais, qui imprègne toujours la ville de Chinon. Il s’intéresse particulièrement aux vins du chinonnais, tout en contribuant à l’INAO (*) au classement AOC de nombreux terroirs viticoles français.
Terroir, le mot est lâché, intégrant le macro-climat, le terroir communal, le micro-climat… ceux de Chinon par exemple, qu’il connaît désormais par cœur, où se rencontrent la Vienne, le Cher et l’Indre et dont les vallées produisent des vins qui pour avoir la même appellation, n’ont pas le même profil. Son appréciation à la fois simple et complexe des caractéristiques du vin, commence à avoir de l’influence dans les milieux vitivinicoles et agro-alimentaires. Ses formules le rendent célèbre, comme « je goûte, donc je suis, » ou « le vin juste doit traduire la gueule de l’endroit et les tripes du bonhomme qui l’a fait. » Il introduit la notion de goût juste et de justesse du goût.
S’éduquer au goût par les mots
Jacques Puisais ressent vite la nécessité d’éduquer au goût et inaugure ses cours au milieu des années 60. Y assistent des restaurateurs, comme les célèbres Troisgros ou Senderens, des éducateurs et formateurs, des enfants : le sensoriel était alors entièrement étranger à l’Education Nationale. « Tu es ce que tu manges, » aime-t-il répéter, ajoutant « comment l’enfant qui démarre sa journée par des céréales bourrées de sucres et d’arômes artificiels peut-il penser avec justesse le monde qui l’entoure ? Jusqu’à 6 ans, son développement passe essentiellement par la sensorialité et son intelligence se construit d’abord par les cinq sens. » Goût juste et justesse du goût. Avec le médecin Patrick Mac Leod, il fonde l’Institut Français du Goût qui a pour mission d’approfondir les données tant historiques et anthropologiques que biologiques de l’alimentation.
En développant l’éducation gustative des plus jeunes, il veut s’attaquer à leur manque ou leur perte de vocabulaire. Les résultats sont probants : « par les mots, le goût permet de rentrer dans un vécu. Si nommer est le propre de l’homme, son cerveau doit y être préparé, il doit être capable de nommer son ressenti plutôt que de répéter ce que disent les autres. Si je dis d’un fromage qu’il est « douillet », en l’avalant j’avale le mot. Utiliser au quotidien les mots pour évoquer un plaisir permet, en nourrissant le corps, d’alimenter l’esprit. »
100 000 enfants
« Il faut avoir du respect pour la carotte que tu manges et pour celui qui l’a produite », répète-t-il dans les classes. « L’enfant qui goûte réellement une carotte, une pomme, un verre de lait, sait d’où ils viennent et comment ils sont produits, et en même temps que le plaisir, il apprend l’histoire, la géographie et beaucoup d’humanité. Nos séances déclinent les sensations gustatives, auditives, tactiles ou visuelles dont, en les nommant, les enfants découvrent les mots qui les traduisent. Suit un panorama géographique de la France agricole, ses terroirs et ses produits. » En rentrant à l’école primaire, sa méthode d’éveil sensoriel et d’éducation au goût favorisant le plaisir de la nourriture, a touché près de 100 000 enfants. Elle continue à se développer en France, notamment grâce au Pôle de Ressources Arts du Goût (Institut du Goût) et à l’Académie du Goût et au CRDP de Poitiers, ainsi qu’au Québec.
L’animation de Musica Vini
On le verra, la philosophie épicurienne du goût selon Jacques Puisais est loin du lyrisme creux ou des formules marketing, c’est un effort de description d’une expérience sensorielle authentique et personnelle à l’occasion de la dégustation d’un vin. Peut-être nous dira-t-il qu’« avaler sans goûter n’est que ruine du palais » ou que « lorsque s’associent le goûter d’un vin et le toucher de la terre argileuse ou sablonneuse où le raisin a été cueilli, la perception de l’air ou du vent augmente en bouche… »
Il va présenter chaque vin et leur vigneron avant les intermèdes musicaux et veiller au bon déroulement des prises de paroles après, tandis que Claudine Le Tourneur d’Ison (à gauche), qui anime les Ateliers de Bellebranche, lui demandera au besoin explications et précisions sur les notions et termes techniques du vin.
La liberté d’esprit caractéristique de Jacques Puisais et le sens de la répartie de Claudine Le Tourneur d’Ison sont des gages de réussite pour l' »orchestration » des questions/réponses entre vignerons, musiciens et assistance.
À chaque set, les auditeurs-dégustateurs trouveront un verre INAO empli de 4-5 cl sur des tables recouvertes de blanc, où seront disposés cubes de fromages et de pain en accompagnement. La durée des préliminaires ne durera pas plus de 5-6′ — le vin attend dans les verres et le public attend de le déguster —, et celle des interprétations musicales de 30 à 40′ — pendant lesquelles on pourra boira une 2ème gorgée.
Question : comment applaudit-on quand on a un verre dans une main ? En se claquant la cuisse avec l’autre !
PARTENAIRES : Ateliers de Bellebranche; Offices de tourisme de Sablé et de Château-Gontier; Festiconcept; M. et Mme Jean-Luc Derval; M. Pascal Martin-Lalande; blog Mmmm… ton vin!; VandB; M. Claude Marquet.
Quelques ouvrages de Jacques Puisais