DANIEL J. BERGER
Les messages des viticulteurs du Languedoc se suivent et se ressemblent : millésime 2013 exceptionnel, soleil au beau fixe 320 jours, vendanges tardives de qualité prometteuse, excellent état sanitaire et récolte bien équilibrée, 2014 ce sera l’année du Languedoc, proclamé « monde des grands vins ».
Allons sur invitation du CIVL déguster quelques AOC à « Millésimes en Languedoc » à Carcassonne (photo).
AOC Languedoc : l’âge de raison
La création en 2007 de l’AOC Languedoc hiérarchisant les ex-appellations régionales et créant 19 appellations nouvelles des Cévennes aux Pyrénées, a eu pour conséquence une élévation générale des qualités. Le processus qualitatif a conjugué la maîtrise des conditions de terroir et de climat avec celle des rendements — 45 hl/ha pour les rouges et à 60 hl pour les blancs — et s’est attaché aux modes d’élevage, à la vinification séparée et aux nouvelles techniques d’assemblage.
Les cépages traditionnels (*) ont trouvé une nouvelle identité, grenache, mourvèdre, syrah, et bien sûr carignan comme dans le Minervois à Caunes ou à la Livinière. On assiste à une augmentation de la vinification à grains entiers propre à la région et appropriée notamment aux carignans, dans le but d’extraire le maximum d’arômes et de tannins pour élaborer des vins de garde.
Les cépages les plus plantés en 2012 ont été la syrah (42 700 ha), le grenache (42 169 ha), le carignan (41 239 ha), le merlot (29 700 ha), le cabernet sauvignon et le cabernet franc (18 500 ha). Et les plus arrachés le carignan aussi (7 000 ha, 34 % des arrachages, ce cépage ayant, comme le cinsault, vocation à ne plus venir qu’en appoint), et aussi le grenache (3 055 ha, 14 %) et la syrah, et le cinsault (1 850 ha chacun, 9%). On plante plus qu’on n’arrache. Le Languedoc qui affronte des températures élevées à la période des vendanges, dispose désormais de groupes de froid régulant la fermentation par refroidissement procurant de la fraîcheur, notamment aux rosés et aux blancs (pas goûtés).
Dégustation à Carcassonne : le 2013 à l’écart
Pour être franc, je m’attendais à pouvoir me faire une idée sur le bien fondé des envolées lyriques sur le 2013 tant vanté, supposément en primeur comme les Bordelais le font en présentant les vins de la vendange précédente. Eh bien non. Pourquoi ? Sans doute le s de Millésimes ouvre-t-il la porte aux années antérieures. La démarche m’a paru discutable. Nous ont donc été proposées des cuvées 2012, 2011, 2010 et 2009, certaines plus anciennes, mais pas de 2013, allez comprendre.
1. Sélection de 17 (sur 35) TERRASSES DU LARZAC (rouges)
L’AOC n’a pas encore de réelle résonance, même si depuis l’apparition au début des années 80 du Mas de Daumas Gassac à Aniane associée au clash avec le clan Mondavi, qui voulait acheter une grande superficie pour planter, sans succès, elle commence à être reconnue comme terroir et c’est l’une des plus regardées du Languedoc. Elle groupe 32 communes sur 500 ha au nord-ouest de Montpellier et produit environ 10 000 hl (1,3 Mb). Le vignoble se situe entre 80 et 400 m, les nuits sont fraîches et le climat peut être plus extrême encore qu’au Pic Saint-Loup. Les sols sont changeants, des galets roulés sous Puéchabon, idéaux pour le mourvèdre, à l’argilo-calcaire alluvionnaire au centre de l’appellation, et aux grès de schiste sous St-Privat et à St-Jean de Blaquière où se trouvent les fameuses Vignes oubliées; créées Jean-Baptiste Granier et Olivier Julien (parti depuis), dont j’ai trouvé le 2012 en trop petite forme pour le noter.
89-90/100 (médaille d’or)
— Mas des Brousses 2011 (mourvèdre 40%, syrah 40%, grenache 20%) : vin réussi, charmeur, équilibré, représentant déjà un classique de l’appellation AOC Languedoc. Prix élevé : 15,5 € ttc départ.
— Domaines Paulmas « Château des Grès Ricards Stécia » 2012 (syrah 60%, grenache 25%, carignan 15%) : léger, bien tramé, fruité et… de la longueur, ce qui est rare en ce lieu. La macération carbonique en grappes entières de syrah et de carignan procure du style. Bon rapport Q/P à 10,20 € ttc.
— Château de Jonquières, « Lansade » 2012 (carignan 30%, cinsault, 20%, syrah 20%, grenache 20%, mourvèdre 10%) : ce bio est mon préféré, les cépages vinifiés séparé-
ment se sont bien alliés en décembre, tour de force habile et convaincant. 11,50 € ttc.
88/100
— Domaine La Croix Chaptal, « Le Secret de Gellone » 2010 : assemblage carignan, genache, mourvèdre, syrah aux proportions exactes non communiquées (« c’est notre secret »). Du corps avec de l’adresse et de l’élégance. Vaut la médaille d’argent. Prix départ : 11 € ttc.
— Mas du Pountil, « Le Mas 2011 » (grenache 35%, syrah 25%, mourvèdre 25%, carignan 10%, cinsault 5%) : en 3ème année de conversion, vin prometteur, à suivre. Prix raisonnable : 10,50 € ttc.
86/100
— Domaine La Croix Chaptal, « Cuvée Charles » 2010 : syrah 35%, grenache 35%, mourvèdre 15%, carignan 15%. 30 mois d’élevage dont 1 an en fûts. Beau vin, un peu abrupt. Prix départ : 14 € ttc.
— Domaine de Rieussec La Croix Deltort, « Gentilhommière » 2012 (syrah 80%, grenache 10%, carignan 10%) : un beau vin de syrah magnifiée, mais dont le prix décourage : 16 € ttc.
— Domaine du Causse d’Arboras (vignobles Jeanjean) — « La Faille » (syrah 75%, grenache 20%, mourvèdre 5%) et « La Sentinelle » (syrah 30%, grenache 40%, mourvèdre 30%): le savoir faire Jeanjean (Brigitte) paye, voilà deux 2012 bio honnêtes et allants, au bon rapport Q/P : 9,95 € ttc.
85/100
— Vignoble des deux terres, « Les Hauts de Privats » 2010 (syrah 75%, geanche 18%, carignan 8%) : fin et frais, arômes mentholés, bonne tenue. Bon rapport Q/P : 7,30 € départ cave.
— Mas des Chimères, « Nuit grave » 2011 (syrah 48%, grenache 31%, mourvèdre 21%) : Bio, séduisant, sucré, beau velours, fraîcheur. Prix départ : 10 € ttc.
— Domaine de la Devèze, « Les Reynets » 2011 (syrah 60%, grenache 35%, carignan 5%) : bien fondu, dégage une certaine grâce, à boire dès maintenant mais aussi à garder. Prix départ : 10 € ttc.
— Château de Jonquères, « La Baronnie » 2011 (mourvèdre 40%, syrah 30%, grenache 20%, carignan 10%) : expansif en bouche, alcooleux, terrien, forte personnalité, mais prix excessif : 16,50 € ttc.
— Domaines Paulmas, » Jean-Claude Mas » 2012 (syrah 40%, carignan 20%, mourvèdre 35%, grenache 5%) : la macération semi-carbonique du carignan apporte un petite touche acidulée ps désagréable. Du bon vin assez cher : 13,30 € ttc.
82-83/100
— Domaine d’Anglas, « Chemin des moutons » 2009 (syrah 70%, grenache 30%) : manque d’équilibre, touche de sirop antitussif. Trop cher : 15,90 € ttc départ cave.
— Domaine La Croix Chaptal, « Fleur de Lauze » 2011 (syrah 72%, genache 25%, carignan 3%). Bien placé à 5,60 € ttc.
— Domaine de Brunet, « Cuvée Prestige » 2011 (Syrah 70%, grenache 20%, mourvèdre 10%) : trait animal, accroche aromatique insuffisante et manque de matière. Prix trop élevé : 12,35 € ttc.
— Mas des Brousses, « Mataro » 2011 (mourvèdre 70%, syrah 20%, grenache 10%) : bois trop présent, murissement déjà élevé, touche de torréfié, et… prix ridicule : 36 € ttc !
— Domaine La Croix Chaptal, « Les Terrasses » 2012 (syrah 35%, grenache 35%, mourvèdre 30%) : voilà un méritant, sympathique et dont le parfum en séduira plus d’un. Prix départ : 9,50 € ttc.
À SUIVRE… ÉPISODE 3 AOC (Bis)