DANIEL J. BERGER
Oui patience, ça ne fait qu’une trentaine d’années qu’Israël fait des vins qui ont de l’ambition.
La récente présentation à Paris d’un panel des meilleures productions hébraïques nous a sensibilisés à certains points : l’invocation implicite d’une culture du vin perdue depuis 12 siècles; la jeunesse du vignoble et de l’activisme vitivinicole israéliens contemporains; un style globalement « cosmopolite », entre Nouveau Monde et Europe.
BERLIN 1999
C’était l’époque de la « Berliner Republik », qui signifiait qu’après Weimar et Bonn, Berlin était bien le cœur de la nouvelle nation allemande réunifiée, aux frontières reconnues par tous. Le Bundestag réintégrait le Reichstag recalotté par Norman Foster. Les fonctionnaires récemment déménagés de Bonn ne passaient pas inaperçus aux yeux des Berlinois, à l’esprit plutôt insulaire. Le Mur était encore dans les têtes, avec sans doute plus de nostalgie à l’est qu’à l’ouest habitué à la tolérance et favorable au Berlin offene Stadt, Berlin ville ouverte.
La « République de Berlin », slogan d’une fausse réalité mais métaphore de la continuité dans le changement, d’une volonté de tourner la page du nazisme national et du communisme de la RDA. Un nouveau chapitre du livre de la démocratie allemande créée à Bonn. On ne voulait pas une autre Allemagne, on voulait une Allemagne normalisée — adulte, modérée, souveraine, consciente de sa responsabilité historique, regardant en avant. Et en haut de cette république Berlin se reconstruisait, des tours s’élevaient, des autocars amenaient des Allemands de tous les Länder pour venir regarder le chantier, l’immense terrain vague de Potsdamer Platz en train d’être ressuscité par Renzo Piano, faisant momentanément office de parking. On n’avait pas peur de la fin de la modestie germanique, la « République de Berlin » symbolisait désormais l’unité allemande.
C’était un soir d’octobre.
Nous (1) flânions autour de la Synagogue d’Oranienburger Strasse (ci-contre), pas encore aussi bien restaurée intérieurement qu’aujourd’hui, et dont l’or de son dôme brillait dans le crépuscule. Il faisait doux, la nuit tombait.
Nous venions d’écouter de la musique klezmer dans un café-théâtre du quartier qui s’efforçait de réacclimater la présence du judaïsme à Berlin de façon manifeste.
En 2009 juste dix ans après, les choses ont changé, les immigrants juifs reviennent à Berlin, passés de 12 000 à la chute du Mur à plus de 100 000 aujourd’hui.
Nos pas nous avaient conduits à un café-restaurant, le Rimon (2), « Jüdische & Israelische Spezialitäten », tout neuf, air conditionné, murs clairs, juste un petit chandelier à sept branches sous un lampadaire à la lumière orangée. Je ne me rappelle plus précisément le menu de plats méditerranéens peu épicés et de pâtisseries grasses et sucrées.
Mais de mon premier vin d’Israël je me souviens, un rouge de Galilée 1996 à l’étiquette jaune, peut-être un Binyamina ou un Carmel. Le garçon l’avait ouvert avec une componction un peu maladroite. C’était foncé, épais, assez lourd et peu parfumé. Une décennie après, dégustant les Carmel 2005 et 2007 ou le Hahoshen Saphir 2006, que j’ai pourtant trouvé loupé, je me suis dit qu’en dix ans, leurs vinifications ont progressé considérablement, les vins se sont aromatisé, raffiné, complexifié même si bien des progrès sont encore à accomplir. Et aussi que les 3/4 des vins présentés à Paris n’existaient même pas à l’époque où nous déambulions dans Berlin, qui n’était encore qu’une capitale à demi achevée. Et elle ne l’est toujours pas.
Prévoyons de boire un futur grand cru de Judée ou du Golan lorsque nous y retournerons pour voir le château de Berlin reconstruit, prévu pour 2016…
(1) Catherine et Dietrich Schaefer, Barbara et Roland Fritz, Bully et moi, parfois rejoints par Zigi Brömm.
(2) Rimon est aussi le nom d’une marque de vin de grenade, goûté à la présentation du 18.01.10 de l’OIV à Paris. Située en Haute Galilée, Rimon Winery est la 1ère société au monde à fabriquer du vin de grenade ainsi que du jus de fruit, de l’huile de pépin, de la confiture commercialisant aussi le fruit frais en barquette.
J’ai dégusté le vin « sec », vieilli 12 mois en barrique; et le vin de dessert, additionné d’alcool (de grenade) en cours de fermentation. Ce sont bien des VINS, qui sentent la rhubarbe, le chou, la betterave fermentée, bien différents du raisin, et c’est bon ! Production : 520 000 b/an.
NB. La grenade est riche en vitamines A, B et C, en calcium et minéraux essentiels, et possède paraît-il des vertus antioxydantes 3 fois plus puissantes que celles contenues dans le thé vert ou le vin rouge…
Vinitaly a attribué son 1er Grand Prix à la Golan Heights Winery.
Le Concours International du Vin 2011 qui s’est tenu à Vérone en Italie a récompensé le Golan Heights Winery, fondée en 1983 à Katzrin (Israël).
C’est la 1ère fois que le Prix Spécial Vinitaly Gran est attribué à un viticulteur israélien.
Lors des éditions précédentes de Vinitaly , ces vignes du Golan ont gagné d’importantes récompenses — dont les grandes médailles d’or en 2004 et 2006. C’est la 1ère fois que la médaille suprême leur est attribuée.
La médaille des médailles est attribuée au producteur obtenant le meilleur résultat, sur le test de 2 vins dans différentes catégories.
La Golan Heights Winery a convaincu les 105 membres du jury – choisis parmi les plus grands œnologues et les meilleurs journalistes spécialisés du monde entier pour cette 45ème édition du trophée.
3 720 bouteilles de 1000 vins différents ont été testées. Les candidats venaient de 30 pays (dont France, Chili, Italie, USA, …). L’événement bénéficie du patronage de l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin) et de l’Union Internationale des Œnologues.
Le Concours International de Vins Vinitaly 2011 a confirmé le statut sélectif des gagnants : seules 70 médailles ont été attribuées cette année par le public réuni à Vérone.
Tel que défini par le règlement, les producteurs ayant remporté une médaille ont désormais le droit d’apposer un logo particulier sur leurs bouteilles, distinction qui va notamment aider la Golan Heights Winery à vendre à l’étranger encore plus qu’en 2010, son année record à l’export.
En un peu plus de 60 ans, le sable d’Israël s’est transformé en paradis agricole, une success story que les voisins de l’État juif pourraient aussi mettre en œuvre et pas uniquement pour le vin, s’ils se donnent enfin les moyens d’avancer vers un futur meilleur.
JSS News