BERNARD COLLET
Comme juré au Concours Général du salon de l’agriculture de Paris, j’avais choisi le Languedoc.
Il y avait quatre ou cinq tables de 6 jurés pour les Costières de Nîmes. J’avais déjà jugé les vins des Costières il y a 4 ou 5 ans, et n’en avais pas gardé un très bon souvenir : beaucoup d’odeurs de caoutchouc… ce qui le matin n’est pas terrible.
Cette année aucune des 15 bouteilles n’avait cette difficile odeur qui, paraît-il, avait été causée par la sécheresse avec la réduction qui en découlait.
Sauf deux bouteilles moyennes, les treize autres étaient assez proches et cela a été assez difficile de les classer. Il y a eu néanmoins consensus et 1 médaille d’or, 1 d’argent et 3 de bronze ont été décernées.
Et puis un dîner mémorable chez Stanislas, mon cher gendre.
Un bon Saint-Véran avant le dîner a précédé une grande expérience, celle d’un Clos des Grives 2008, Crozes-Hermitage, de Combier, entamé la veille, l’un des vins les plus spectaculaires qu’il m’ait été donné de boire.
Au nez, une explosion de violette, d’épices variés, de garrigue, une merveille. Et en bouche, le miracle a continué. Malgré la qualité moyenne de ce millésime 2008, la matière était là, très présente. On dit qu’en général après 4-5 ans, il se ferme pendant deux ou trois années et repart ensuite pour un bon moment. Je n’en avais bu qu’une fois mais que je n’avais pas été séduit à ce point : il devait être en « pénitence », et du coup, moi aussi ! La nourriture qui allait avec était épicée et ce vin ne se laissait vraiment pas abattre et relevait la tête fièrement !
Je suis allé sur le net et j’ai vu qu’on en dit grand bien et qu’on le trouve (difficilement) aux alentours de 30 €.
Pour info Daniel, j’ai fait récemment un dîner-dégustation basé sur une verticale de Cheval Blanc à Lavinia — le 1988 était le meilleur vin que j’ai bu de ma vie.
Mais il y a bien des champions du rapport qualité/prix qui passent avant dans mon cœur, par exemple cette découverte récente : un vin italien qui m’a radicalement scotché : Magari 2006, de Toscane (terroir = Ca’ Marcanda), de la Maison Gaja. Apparemment c’est très connu par les grands cavistes parisiens y compris Lavinia (je viens de voir ça sur l’internet). Jamais je n’aurais cru qu’un vin si jeune puisse paraitre aussi riche que ça : il était comme un St-Émilion de mes références (Patarabet 2000), avec de belles notes de truffe sur du fruit noir, mais un poil plus fort dans le velours et dans l’intensité.
Daniel — je ne résiste pas au plaisir de te parler d’une dégustation exceptionnelle dernièrement à Vaucresson, avec des amis qui ont reçu des beaux cadeaux de fin d’année : merci à eux.
– Cos d’Estournel 1961. On l’a ouvert au dernier moment sans décanter pour ne rien perdre : exceptionnel, du velours, aucune trace de fatigue, la simplicité discrète du bonheur, so much pour les gens qui disent qu’un bordeaux ne vieillit pas.
– Haut Brion blanc 1992. Bon graves, un peu étriqué pour un vin de ce renom, pas vraiment de grande émotion.
– La Tache 1998. Un peu jeune peut-être mais excellent, très puissant… C’est la 1ère fois que je goûte un vin du domaine de la Romanée-Conti, et je n’ai pas l’impression que c’est vraiment différent d’un autre bon domaine bourguignon. C’est quand même un peu surfait me semble-t-il, ou bien est-ce trop pointu pour moi ?
– Climens 1986. Peut attendre encore.
Moralité : mieux vaut acheter les grands millésimes que les grandes étiquettes (et de toute façon, je n’ai pas trop le choix)
Au fait, n’avait-on pas parlé d’une verticale de Léovile Las Cases chez Pierre Wagniart ? (ou était-ce d’une horizontale d’années 90, je ne sais plus) Pensons-y !