COMMUNIQUÉ IPSN*

Avant hier 7 avril, à 13h30, le tribunal correctionnel de Dijon s’est prononcé dans l’affaire Emmanuel Giboulot : il a été déclaré coupable et condamné à verser une amende de 1 000 €, dont 500 avec sursis. Voilà Emmanuel jugé comme un délinquant pour avoir voulu préserver la santé des consommateurs. On marche sur la tête ! Naturellement, il fait appel de cette décision invraisemblable

le principe de précaution est inscrit dans la Constitution, la magistrate aurait donc pu et dû le relaxer. Et ce d’autant plus que l’urgence de la situation n’était pas caractérisée puisque l’épidémie de flavescence dorée était contenue en Saône-et-Loire.

En fait, la position du tribunal – qui protège le préfet – montre surtout l’immense décalage qui existe entre les autorités et le grand public. Alors qu’en quelques jours la pétition lancée par l’IPSN, que vous pouvez encore signer ici, a rassemblé plus d’un demi-million de signatures et que les médias se sont emparés de l’affaire, les institutions locales restent frileuses.

La raison en est simple : les autorités tentent de ménager la chèvre et le chou et restent du côté de la logique économique; les consommateurs, eux, savent qu’il en va de leur santé. L’urgence et la gravité ne sont pas du côté de la flavescence dorée ou de la cicadelle (l’insecte qui répand la maladie), mais de la dégradation de la santé de notre environnement qui nous menace directement.

Et la vigne est un exemple symptomatique de la situation. Les dangers des pesticides pour les vignerons sont bien connus : outre la maladie de Parkinson développée par de nombreux travailleurs de la vigne, on parle de plus en plus de « la maladie du vigneron », ou dit plus crûment des cancers de la vessie, provoqués par les pesticides. La mort de Frédéric Ferrand dans le Bordelais et le combat engagé par son père contre les pesticides ont suscité l’émoi du public mais pas des autorités qui considèrent que nous manquons encore de données sur le sujet… [1] Combien de morts faut-il pour lancer des études ?

Mais il n’y a pas qu’eux. De plus en plus, les habitants des régions viticoles se méfient des épandages. Certains soutiens d’Emmanuel Giboulot racontent que, dans le Mâconnais, les traitements contre la flavescence dorée étaient insupportables et qu’en période de traite, tout le monde restait chez soi pour ne pas être intoxiqué. On comprend mieux pourquoi en période vacances scolaires, alors que de nombreux enfants visitaient la région, Emmanuel Giboulot ne souhaitait pas traiter. Mais la justice le déclare quand même coupable !

Quant aux amateurs de vin qui s’inquiètent, on leur dit depuis des années que les résidus encore présents sur les peaux au moment des vendanges sont évacués dès la fermentation. Vraiment ? Et quid des molécules entrées dans la terre l’année précédente et dont la vigne et les raisins se sont abreuvés ?

Pour protéger notre santé, préservons la nature…

Les pesticides nuisent à la santé de ceux qui travaillent la vigne et détruisent notre environnement qui en est saturé. Ils fragilisent l’écosystème dans lequel poussent les vignes dont, à terme, ils menacent la survie. Et il en va des vignes comme pour le reste de l’agriculture et de l’exploitation des ressources naturelles.

Préserver notre santé passe par le développement d’une agriculture biologique au service de l’homme et de la nature et non plus de quelques groupes industriels qui se sont donné le droit – avec le blanc-seing de l’administration et de la justice – de nourrir et d’empoisonner les Terriens ! À dire vrai, on sait aujourd’hui qu’il faut aller beaucoup plus loin. Le combat continue.

Avec tout mon dévouement,
Augustin de Livois

Président de l’Institut pour la Protection de la Santé Naturelle*
Association sans but lucratif
Rue du vieux Marché au grain, 48
1000 BRUXELLES

PS : Deux citations qui me paraissent particulièrement à propos :
« Malgré la crise majeure des années 2007-2009, la sphère de l’économie n’a toujours rien appris et continue de fonctionner selon de vieux postulats érigés au rang de dogme. Il a fallu attendre l’émergence de l’écologie, fortement dopée par cette crise, pour que les hommes prennent conscience du caractère limité des ressources de la nature – d’où cette question posée et reposée : “Comment assurer une croissance illimitée de la production des biens et des services alors que celle-ci est assise sur des ressources limitées ?” – celles précisément que la planète met à notre disposition. (…) Or partout dans le monde les écosystèmes, c’est-à-dire les milieux naturels, se dégradent. » (Jean-Marie Pelt) [2]
« Comment pouvons-nous parler de progrès alors que nous détruisons encore autour de nous les plus belles manifestations de la vie ? Nos artistes, nos architectes, nos savants, nos penseurs suent sang et eau pour rendre la vie plus belle et en même temps nous nous enfonçons dans nos dernières forêts, la main sur la détente d’une arme automatique. (…) Il faut lutter contre cette dégradation de la dernière authenticité de la Terre et de l’idée que l’homme se fait des lieux où il vit. Est-ce que nous ne sommes vraiment plus capables de respecter la nature, la liberté vivante, sans aucun rendement, sans utilité, sans autre objet que de se laisser entrevoir de temps en temps ? La liberté elle-même serait alors anachronique. (…) Il faut absolument que les hommes parviennent à préserver autre chose que ce qui leur sert à faire des semelles, ou des machines à coudre, qu’ils laissent de la marge, une réserve, où il leur serait possible de se réfugier de temps en temps. C’est alors seulement que l’on pourra parler de civilisation. » (Romain Gary, Les Racines du ciel)
[1] Cancers dans le monde agricole : « on sous-estime l’impact des pesticides »
[2] Les Dons précieux de la nature, Fayard 2010