DANIEL J. BERGER
Présenté par le bureau du CIVL (Conseil Interprofessionnel des Vins du Languedoc) *, le bulletin de santé du vignoble est au beau fixe en 2014, comme il l’était l’année précédente : export en hausse, politique modérée d’augmentation des prix, qualité des vins en progression régulière, expansion du rosé, bio et développement durable, simplification des appellations… Allons voir de plus près.
EXPORTATIONS : EN HAUSSE
La part des vins du Languedoc dans le total des exportations de vin français a donc augmenté sensiblement, à l’inverse des autres régions, hors Champagne, qui sont en retrait de 7% en AOP et de 11% en IGP par rapport à 2013.
L’export a pris 5,7% en volume
sur 2013, avec 3,6 millions d’hectolitres, et 8,3% en valeur, à 813 millions d’euros, portant à la fois sur les AOP (Appellation d’Origine Protégée, ex-AOC, toujours utilisée), et les IGP (Indication Géographique Protégée, ex-vin de pays) dont la part est la plus importante — 3 Mhl et 600 M€ soit une augmentation de 6% –, contre 600 000 hl et 196 M€ pour les AOP, qui progressent de plus de 10% après valorisation de l’hectolitre, à 327 € contre 311 en 2013.
Les régions du monde qui importent le plus de vins du Languedoc-Roussillon sont, en IGP, l’Europe occidentale (73% — essentiellement Allemagne à 27%, Pays-Bas, Royaume-Uni et Belgique), la Chine (7%), tandis que l’Amérique du Nord et le Japon reculent respectivement de – 9% et – 8%. Et en AOP, la Chine avec 29 M€ en augmentation moyenne de +30%+, et les USA avec 26 M€ (+17% en valeur et +8% en volume).
Même s’il ne représente encore que 30% du CA, le marché export du L-R qui a augmenté de 34% sur les quatre dernières année, est doté en 2015 d’un budget de promotion de 50% du total, à l’égal de celui du marché national (où sa part en GD progresse en premium (> 4 €/b). Parmi les 137 pays clients, ceux sur lesquels vont porter les efforts sont la Corée, le Brésil, la Chine, les États Unis et le Canada. La communication va identifier le vin à son terroir notamment au moyen d’images de paysages.
POLITIQUE DE PRIX : PRUDENCE
Sur le marché intérieur, les prix des vins du L-R ont augmenté de 40% en quatre ans et sont plus élevés que ceux des autres régions. Par exemple, un crémant de Limoux se vend 12 ou 13 €/b contre 8 ou 9 € en Loire ou en Bourgogne. On est frappé par le niveau élevé des prix des vins du L-R qui n’ont guère d’antériorité avec souvent moins de de 20 ans d’existence.
En rappelant qu’on doit « valoriser sans augmenter le prix de vente au consommateur » en même temps qu’il faut « savoir vendre plus cher », le CIVL parle de prudence à propos de l’augmentation de prix, tout en faisant remarquer que le revenu à l’hectare se situe à 5 – 6 000 € en L-R, contre 12 à 13 K€ en pays de Loire et 19 K€ en Alsace. On se demande comment s’explique le delta !
Question à Frédéric Jeanjean, Pdt du CIVL: prix de vente/prix de revient, n’y a-t-il pas un os ?
QUALITÉ DES VINS : EN PROGRESSION RÉGULIÈRE
La stratégie qualité mise en place il y a 30 ans — sortir de la production de masse de vins ordinaires ou d’appoint (en arrachant la moitié du vignoble (240 000 ha) et du système coopératif unique — continue de payer. Le vignoble du L-R compte aujourd’hui 223 000 ha, le plus grand du monde, dont 10% en bio. Il a produit 12 Mhl en 2014, moins qu’en 2013 (13,5 Mhl), en raison des intempéries, soit un vin français sur trois.
Le niveau moyen de qualité continue de progresser sur la précision des goûts et des arômes, sur la fraîcheur, sur l’authenticité par le contrôle de l’extraction notamment. Selon Pierre Citerne (La RVF de ce mois) « il y a en Languedoc des vins rouges capables de se mesurer en termes de stature, d’harmonie et de complexité, à l’élite des crus mondiaux, sans chercher à les imiter. » Par une libération progressive des modèles des XIXème et XXème siècles (surproduction, coopératives) et la volonté de plus d’autonomie, un désir d’originalité et du travail de recherche, les sensibilités des vignerons locaux, venus souvent d’ailleurs, évolueraient vers une culture du vin « classique », même si les objectifs de l’interprofession de créer un échelon « grand cru » tiennent encore lieu de résultats : on trouve de bien beaux vins notamment en Minervois, à Faugères, bien sûr à Pic Saint-Loup et sur les Terrasses du Larzac, mais il n’existe pas (encore) de grand cru languedocien digne de ce nom.
ROSÉ : TOUJOURS EN EXPANSION
Avec 10% du total, le L-R est le premier producteur de rosé au monde, devant la Provence (1,23%; autres régions : 16% — la France produit plus du quart du rosé mondial). Le rosé est devenu un moteur de croissance pour les AOC (+ 20% en 3 ans) et IGP (+ 30%), atteignant presque 8 millions de litres en grande distribution en France, souvent au détriment du blanc. La vinification se fait désormais directement en rosé contre précédemment par saignée.
DÉVELOPPEMENT DURABLE ET BIO : LE L-R EN POLE POSITION
Le CIVL dont les mots d’ordre sont dynamisme, croissance, valorisation et innovation, annonce que le L-R représente 9% de la surface bio mondiale, et 32% du bio en France ajoutant que « ce virage vers le « durable » est le fait de conversions rapides en bio ou biodynamie, et aussi de nombreuses initiatives collectives et de particuliers, des décisions individuelles de respect de l’environnement sans « grands principes », y compris dans des exploitations en culture raisonnée ou conventionnelles. » Leur choix : « c’est bon pour moi », laisser vivre les sols et qualité du produit final. On n’oublie pas que faire du bio en L-R est plus facile que dans d’autres régions : climat chaud et sec (pas de coulure) et venté (pas de champignon de la vigne) — « le vent change de nom mais pas de direction » rappelle Xavier Volontat, membre du bureau du CIVL. Ainsi dans les Corbières va-t-on structurer le paysage des vignes en construisant murets et coupe-vents, en créant de l’ombre et en préservant la faune auxiliaire. Sans oublier l’application d’ISO 26000 (qui norme la démarche développement durable) dont la première phase est l’autodiagnostic des vignobles, ni les initiatives d’installation dans les vignes de troupeaux, haies, mares, chauves-souris, etc.
SIMPLIFICATION DU SYSTÈME D’APPELLATION : PEUT MIEUX FAIRE
C’est encore un vœu pieux tant le découpage du vignoble est complexe entre zones géographiques et géologiques, sous le chapeau d’une appellation chapeau « Languedoc » qui remplacera Coteaux du Languedoc en 2017 et comme l’écrit P. Citerne dans le même article « il faut ajouter les IGP Sud de France et les VdF (Vins de France) qui partagent souvent les même terroirs que les AOC« , sans oublier les crus communaux antérieurs à la restructuration. L’interprofession plaide qu’il faut du temps entre la naissance et l’aboutissement d’une AOC, comme pour les nouvelles, La Clape, Corbières-Villages ou Terrasses du Larzac.
Parlons de l’AOC Terrasses du Larzac. Située entre Millau et Montpellier sur des coteaux de 150 à 450 m de part et d’autre de la vallée de l’Hérault avec des plateaux à 800 m, produit un vin d’assemblage** où le terroir prime sur le cépage. Plus d’un million de bouteilles a été commercialisé sur 2013-2014, dix fois plus qu’en 2006-2007 par exemple, et deux fois plus qu’il a encore trois ans. C’est une zone très diversifiée entre les crus St Saturnin et Montpeyroux (maintenant Languedoc Montpeyroux, qui va sans doute devenir une AOC). S’y illustre le fameux Sylvain Fadat (à droite***) au domaine d’Aupilhac avec son cru « Les Cocalières » (lieu où tournoient les corneilles), qui connaît admirablement l’histoire et la réalité de son terroir où il s’est installé il y a 15 ans plein d' »espoir du lieu », et dont il a depuis fait la notoriété. Son vin blanc, comme rouge (carignan, qu’il révère) est sublime et « voit loin » (16,40 € le 2012), l’un des nombreux exemples de la révolution qualitative du L-R. ****
ET MAINTENANT ? PRÉPARONS-NOUS À GOÛTER ENFIN le 2013, L’ANNÉE DU SIÈCLE, AUX « JOURNÉES MILLÉSIMES DU LANGUEDOC-ROUSSILLON »