JACQUES DUPONT : LE VIN ET MOI (1)
D’après l’interview de LAURENT GOTTI, journaliste dégustateur en Bourgogne 13.12.16.
Avec son livre Le Vin et Moi paru fin 2016, Jacques Dupont, le journaliste et chroniqueur spécialisé de l’hebdomadaire Le Point, livre dans le même esprit une suite à son précédent livre Choses Bues, paru en 2008 (*).
De son œil toujours aussi aiguisé voire satirique sur le monde du vin, il nous livre ses réflexions sur la dégustation, les vins naturels, la pratique du journalisme de vin, les nouveaux venus qui débarquent dans la vigne.
Interview cash.
Vous écrivez : « la dégustation ne consiste pas à traquer le défaut mais à déterminer si le plaisir le dépasse. » Pensez-vous que la notion de plaisir est trop absente des dégustations professionnelles ?
Les grands auteurs ont célébré l’ivresse pendant 2 000 ans : il suffit de lire Horace, Virgile ou Baudelaire. Aujourd’hui, le politiquement correct ne nous en donne plus le droit. Car on a ramené hypocritement le plaisir de boire du vin au plaisir de la « dégustation. » Aujourd’hui on met beaucoup de mots sur du vide, le côté convivialité qu’apportait une légère ivresse, le partager à table, tel que le concevait Voltaire par exemple, on le gomme : il disait que quand il recevait d’Alembert, sans un peu d’ivresse il s’ennuyait…
Œnologie ou dégustation ?
Il existe une culture un peu bizarre du vin qui entretient la confusion entre l’œnologie et la dégustation. Les gens disent : « Je prends des cours d’œnologie ! » Non, ils ne prennent pas des cours d’œnologie, ils n’apprennent pas la biochimie. On a enveloppé le plaisir de boire du vin dans un discours pseudo-scientifique. Les œnologues sont des gens au service du vin et ils le font très bien, mais ce sont aussi des traqueurs de défauts. Comme ils sont présents dans les dégustations, les jurys des concours, etc., les consommateurs ont tendance à se ranger derrière « l’homme de l’art » et à se mettre à traquer le défaut à leur tour.
Je crois que le vin populaire a disparu de nos sociétés, on est dans le vin élitiste. Quand on dit que beaucoup de jeunes s’intéressent au vin, si on y regarde de près, il s’agit des jeunes de l’élite, des grandes écoles. Ils s’y intéressent parce que le grand-père avait une belle cave, dans une belle maison, etc. (suite…)