Poursuivant notre quête des rouges de Bandol, nous sommes passés de chez TEMPIER à LA TOUR DE BON au chemin de l’olivette au Brûlat du Castellet et avons escaladé la colline où perche le domaine.
LA TOUR DU BON – 15.10.18 11h30
Entre La Cadière d’Azur et le Castellet, au Brulat, la Tour du Bon est située au nord-est de l’appellation Bandol. Le domaine est perché à 150 m d’altitude, bien ventilé et offrant un panorama dégagé sur la Sainte-Baume, la Méditerranée et les villages environnants. Le sol est composé de marnes, calcaire et silice qui facilitent le drainage lors des grosses pluies comme celles que nous venons d’essuyer.
C’est Agnès Henry, la propriétaire-vigneronne, qui nous reçoit (en photo à droite). Née à Paris, ingénieure agronome, elle ne connaissait pas le vin et rien ne la prédisposait à en faire. En 1989, après un poste dans l’agroalimentaire, sa mère lui offre de reprendre le domaine Tour du Bon acheté en 1968.
Conquis par la beauté des lieux, ses parents M. et Mme Hoquard avaient en effet acquis le domaine plus comme une maison de vacances que comme un domaine viticole.
A partir des années 70, ils ont tout de même replanté le domaine pour arriver à un encépagement respectant le décret des vins de Bandol : mourvèdre (45%), grenache (21%), cinsault (12%), carignan (4%) pour les rouges, et clairette (6%), ugni blanc (2%) et rolle (ou vermentino) 1%.
En 1990, Agnès Henry a 27 ans. Sans expérience, elle engage une jeune viticulteur, Thierry Puzelat, aujourd’hui propriétaire avec son frère du fameux Clos du Tue Bœuf près de Cheverny (41). Il va s’appliquer à « dompter » le mourvèdre, le roi-cépage. Dompter ? Puzelat est capable de déployer des attributs propres au combat tauromachique, qui le fascine — force, puissance, bravoure, patience. Pendant quatre ans l’aficionado s’ancre dans le terroir avec un engagement peu commun. Lui succède Antoine Pouponneau qui, lui, ira exercer ensuite à Saumur Champigny et en Corse. Depuis, Julien Pierre a pris la suite.
Le vignoble est certifié bio depuis 2014. Il ne subit donc aucun traitement chimique, seuls le soufre et cuivre (bouillie bordelaise) sont utilisés. Agnès Henry s’entoure des conseils de Daniel Abrial (à droite), l’œnologue omniprésent à Bandol et autour.
Elle a un grand respect envers les méthodes de travail héritées des ouvriers piémontais, les premiers dit-on, à avoir cultivé la vigne dans le coin.
La production de rosé domine à environ 60%, le rouge représente 35% et le blanc 5%.
En rouge, la cuvée normale (15 000 b en moyenne, bien plus en 2018) est à 55 % mourvèdre, 30 % grenache et 15 % cinsault. La cuvée Saint-Ferréol emblématique du domaine, est produite à 3000 b à partir des meilleurs mourvèdres du domaine pour 85% et 15% de carignan. L’élevage des Bandol rouges s’effectue 18 mois en foudres. Les blancs et les rosés sont élevés 6 mois en cuve.
En 2013 une nouvelle cuvée en IGP * Méditerranée a vu le jour, En-Sol, inspirée par la viticultrice italienne Elisabetta Foradori : le mourvèdre (100%) est vinifié dans 8 jarres de terre cuite (à droite) provenant de chez Juan Padilla, l’artisan spécialiste originaire de la Mancha, espagnol comme le mourvèdre.
La pratique de la vinification en jarres se répand à Bandol, en Provence et ailleurs.
* Indication Géographique Protégée, dénomination européenne indiquant qu’au moins l’une des étapes — production, transformation ou élaboration — s’est réalisée dans le lieu affiché. C’est une façon de s’affranchir de la règlementation de l’AOP (ou AOC, et DOC en Italie, DO en Espagne), notamment sur l’assemblage, ici mourvèdre à 100% ce qui excède la proportion maximum de ce cépage autorisée pour l’AOC.
DÉGUSTATION
Rosé 2017 AOC Bandol
Agnès Henry annonce d’emblée qu’ « il faut savoir ce qu’on veut faire avant de commencer: ceci est un vrai rosé de Bandol (mouvèdre 40%, 30% cinsault et 30% grenache) avec 13° d’alcool. On s’est efforcé de ne pas privilégier la bouche sur le nez ni le contraire. » L’amertume en fin de bouche est assez élégante. On est plus près d’un vin blanc que d’un vin rouge. 17 €
Rouge 2015 AOC Bandol
Assemblage tout en finesse de 55% mourvèdre, 30% grenache, 15% cinsault. À re-déguster plus tard. 22 €
Rouge 2012 AOC Bandol Cuvée Saint-Férréol
Provient d’une sélection des meilleurs mourvèdres sur les parcelles argileuses du domaine.
Il n’a pas été élevé en jarres de terre cuite, qui en 2012 n’équipaient pas encore le cuvier.
À huit ans d’âge, le vin est prêt à boire « de préférence avec une daube ou un carré d’agneau, il appelle le sang » souligne Agnès Henry. NC
Cuvée En-Sol 2016 IGP Méditerranée
Mourvèdre 100%. Vieilli naturellement en jarres. 14°.
Même profil de « vin naturel » fort constitué que le Canaterra de Canadel (voir posts précédents).
Robe foncée. Arômes de fruits noirs et de fleurs. De la fraîcheur. Bouche souple et complexe avec des contrastes assez mystérieux entre puissance et délicatesse, rarement rencontrés lors de ce voyage-dégustation en Provence.
Pourra être gardé 10 ans au minimum. 42 €