DERNIÈRE MINUTE: CLÔTURE RÉSERVATIONS REPOUSSÉE AU 17.7
Après vous avoir proposé notre récit des vins de la famille Courrian au travers de leur maître d’œuvre principal, Philippe, nous interrogeons aujourd’hui celui qui conduit Tour Haut-Caussan depuis deux décennies, son fils Fabien.
Il observe un redémarrage progressif de l’activité post Covid, notamment la vente aux particuliers qui participe pour 1/3 du C.A de Tour Haut-Caussan. Une bonne répartition des stocks leur permet de mieux s’adapter à la demande. Et aussi à l’export avec les « ventes de précaution avant Brexit » qui marchent bien, « et d’abord en Angleterre. »
POUR PROFITER DES INFORMATIONS ÉCHANGÉES SUR LE BLOG, PRÉFÉREZ LE MODE ‘COMMENTAIRE’ À LA MESSAGERIE E-MAIL (NON PUBLIÉE)
5 QUESTIONS À FABIEN COURRIAN
1.Fabien Courrian, vous avez pris le relais de votre père il y a déjà 20 ans. Vous donne-t-il encore des conseils?
J’étais sur le tracteur à 14 ans ! De même que mon père avait tout appris de mon grand-père, j’ai tout appris de mon père. Qui pense déjà à ceux de ses petits-enfants qui prendront la relève… Lui et moi sommes d’accord sur tout et notre savoir faire se perpétue.
Ce qu’il y a dans une bouteille c’est le résultat de 400 petits travaux en continu et chacun d’eux doit être bien fait, un jour après l’autre tout au long de l’année. Par exemple, nous travaillons les sols à la main, pour obliger les racines à plonger profondément. Aux vendanges, nous trions au bout des vignes, sur les bennes. Et en faisant les choix qu’il faut au bon moment, en regardant et en écoutant la nature, car nous vinifions ce qu’elle nous apporte. C’est l’approche Courrian depuis plus de 60 ans.
Nous ne suivons pas les modes, elles conduisent à des vins qui finissent par se ressembler. Pour nous l’œnologue-conseil c’est d’abord un médecin, qui ne vient consulter que lorsque la vigne est malade.
Mon père a quitté le Médoc pour les Corbières en 1992 tout en continuant à venir ici régulièrement, notamment aux vendanges, car celles de Cascadais précédaient celles de Tour Haut-Caussan. C’est de moins en moins vrai, le bordelais se réchauffe, nous avons pris plus d’un degré en moins de vingt ans.
2. Y a-t-il des solutions pour éviter la suralcoolisation du vin?
Pas beaucoup… Il y a des procédés techniques comme la désalcoolisation, mais ce n’est pas le genre de la maison. Nous flirtons avec les 15°, quelquefois au-dessus. Si on avance la date des vendanges, les vins seront trop verts. Je disais que nous vinifions la nature, et c’est elle qui nous apporte le réchauffement. Il a d’ailleurs certains avantages: à la vigne les cabernets sauvignons étaient lents à mûrir par le passé; aujourd’hui c’est à leur mûrissement excessif qu’il faut porter attention ! Et les petits verdots sont plus beaux. Et aussi à l’exportation : les vins excédant 14,1° ne sont pas soumis à la récente augmentation des droits de douane aux États-Unis.
3. Cascadais est passé en bio. Tour Haut-Caussan est-il bio sans le dire? Voyez-vous une progression du bio dans votre partie du Médoc?
Nous sommes « presque bio ». En Médoc nous avons affaire à un mildiou qui évolue, bien différent de celui qu’on affrontait il y a vingt ans (qui arrive d’ailleurs aussi en Corbières) et les traitements ne sont pas autorisés pour la conversion bio. Nous devons aussi lutter contre l’oïdium avec le soufre, lui autorisé. Les viticulteurs totalement bio qui ne traitent pas perdent beaucoup de récolte, leurs vignes périclitent, c’est dramatique. Et ceux qui mettent beaucoup d’engrais encouragent le mildiou. Cela dit, depuis mon grand-père nous n’avons jamais mis de désherbant et mon père a été le premier en Médoc à faire des vendanges en vert, entre autres exemples de notre approche qui tente d’innover tout en conjugant avec la nature.
4. Quel a été votre pire millésime? Et votre meilleur?
Je dirais qu’un grand millésime vient sans douleur, presque sans effort, c’est ce qui fait qu’il est grand. 2016 sûrement, et 2015. Bien sûr 2010 et 2009. 2012 aussi, c’est un joli vin. Mais ce sont ceux qui ont été les plus durs à faire dont j’ai le souvenir le plus vif. Tout particulièrement le 2003, mais malgré la canicule la plante a conservé de l’acidité et c’est un vin qui a toujours bien goûté; le moment est venu de le boire sans plus attendre, il commence à baisser.
5.Et le2016, celui de la 7ème cuvée spéciale ‘Mtonvin‘?
C’est un grand millésime. Le vin est très mûr, avec des fruits noirs, tannique. Il étanche la soif. Les vieilles vignes ont joué pleinement leur rôle. Et puis la nature nous a aidés, il a plu juste quand il fallait. Il a 15-20 ans d’avenir devant lui.
Je trouve le 2016 encore supérieur au 2015 (et vous rassure, il titre 14° et non 15…)
La cuvée spéciale ‘Mtonvin’ n°7 a été lancée le lendemain du déconfinement 1ère phase. C’est la première fois qu’une cuvée spéciale ‘Mtonvin’ comprend deux vins, millésime 2016 : le médoc Château Tour Haut-Caussan, et le corbières Château Cascadais, dont le 2011 avait déjà fait l’objet d’une cuvée spéciale et été très apprécié.
La période de pandémie est très difficile pour les viticulteurs privés à la fois de distribution dans l’Hexagone et d’export à l’international. Cette cuvée spéciale n°7 est notre manière de soutenir la famille Courrian, dont les vins remarquables à prix raisonnable correspondent bien à l’esprit ‘Mtonvin’.
Le propriétaire des deux domaines, Philippe Courrian, commente sa carrière de plus de soixante ans. Suite du premier chapitre…
NOTRE RÉCIT DES VINS DE PHILIPPE COURRIAN (2)
Philippe Courrian (ci-contre) a quitté le séminaire à l’âge de 13 ans pour venir travailler au domaine de ses parents dans le Médoc à Blaignan, au château Tour Haut-Caussan. Au début il peine à en vivre et doit aller travailler ailleurs comme régisseur. Il en revient assez vite « car, croyez-moi, mieux vaut être pauvre chez soi que chez les autres ! » Il travaille la vigne d’abord avec un cheval, et en 1965 « il y a eu engouement pour le tracteur, le rendement, la rentabilité, l’industrialisation… Souvent au détriment de la qualité, ce qui n’a pas forcément enrichi les vignerons. »
Mais la roue de la fortune ne va pas l’oublier: moins de 10 ans après ses débuts, en 1973, il vend au plus cher toute sa récolte au négociant américain Alexis Lichine installé à Bordeaux. Il est sorti de l’ornière, on le remarque, on écoute désormais M. Philippe Courrian.
En 1992, il achète dans les Corbières les dépendances du château Saint-Laurent à M. de Bermon de Vaux, un vieux moulin enfoui sous les ronces et huit hectares de vignes quasi abandonnées.
La propriété nichée dans la vallée de la Nielle, entourée de collines de garrigues et de pinèdes, est traversée par une petite rivière et de multiples cascades : il la rebaptise Château Cascadais.
Laissons donc Philippe Courrian préciser quelles étaient ses intentions d’alors (d’après son livre Vigneron du Médoc (*).
Du Médoc aux Corbières
« Après 50 ans passés dans le Médoc, j’ai eu envie de vivre autre chose, de repartir vers une nouvelle « quête métaphysique ». Et en 1992 les Corbières se sont trouvées sur mon chemin : je suis tombé amoureux d’une petite vallée avec quelques vignes autour. Au pied de maisons plusieurs fois centenaires coule une rivière qui dégringole de la montagne au rythme de cascades où l’on se baigne en été. Ces collines des Corbières rassemblent et résument toute ma vie avec l’idée rassurante de cette quiétude que je retrouve chaque fois que je pénètre dans ma vallée. Ce poste frontière, ces châteaux accrochés aux nuages, l’idée de ce Sud et cette présence cathare, l’austérité de cette nature restée pratiquement vierge, et bien sûr la vigne, tout me poussait vers ce pays. Je suis vigne et ne pouvais l’être que là. »
Il ajoutait : « Je vais redevenir paysan au sens le plus noble, je vais modeler le paysage et retrouver l’accord entre l’homme et la nature. Comme je mets mes raisins à ras du sol, au point de rencontre du pouvoir tellurique et du pouvoir cosmique, ce point de jonction me fascine. Mes dernières années d’exercice, je les vois ici dans ces Corbières, à rechercher les racines de la création du vin, avec une certaine virginité qui a disparu dans le Médoc. »
C’est en septembre 2005 que je me suis rendu à Cascadais — oublions vite le « château », la métairie ombragée aux volets bleus que Philippe Courrian a restaurée ne prétend qu’à la simplicité, l’intimité même. Il m’y a accueilli par ces mots : je ne sais pas pourquoi vous êtes ici, mais vous êtes le bienvenu. Il m’a tendu un panier en osier avec du pain, de la terrine et du saucisson, des fruits et une bouteille, puis m’a dit en souriant: allez vous promener dans les vignes, profitez de la nature, voyez comme elle est belle, moi j’ai à faire, nous nous verrons ce soir.
J’ai découvert sous le soleil généreux de septembre d’après les vendanges un vignoble en forme de cirque, où s’écoulent en silence de multiples petites cascades formant autant de lagons vert jade.
Au détour d’une haie j’en ai trouvé un à l’ombre (ci-dessous) et je me suis posé, « Vigneron du Médoc » en main que j’ai relu d’une traite, en allant de temps en temps piquer une tête dans l’eau claire.
Le terroir de Cascadais. Entre fin du Massif Central et début des Pyrénées, les Corbières sont parsemées de collines (400 à 500 m), aux couleurs changeantes et aux reliefs variés, rappelant par endroits celles de Toscane. Sur les sols de calcaire et de schistes la végétation est rare voire absente, à l’exception de la vigne cultivée dans les parties les moins arides.
Les vignes de Cascadais comprennent les cinq cépages traditionnels de la région — vieux carignan, grenache noir, syrah et dans une moindre mesure, mouvèdre et cinsault. Elle donnent des vins d’un rouge grenat foncé, dégageant au nez des arômes de fruits noirs et rouges (cerises) mûrs, avec des notes poivrées et de réglisse, accompagnés d’odeurs de garrigue, de violette, de thym et romarin. En bouche, ils sont opulents, harmonieux, fruités et solidement charpentés, la matière est extraite avec art, on sent la chair et le gras, avec en finale de la fraîcheur sur une trame minérale. On ressent l’authenticité du terroir avec une impression d’exotisme sur la longueur.
Écrire la suite de « Vigneron du Médoc ? » J’étais venu lui proposer d’écrire une suite à ce livre que je trouvais passionnant par sa franchise, et son exigence et sa modestie à la fois. À la fin de l’après-midi j’ai retrouvé Courrianà son logis et nous avons discuté dans sa grande cuisine rustique en dînant et en buvant, interrompus la nuit tombée par le passage de collègues vignerons dont la langue résonnait fort.
Chez Philippe Courrian, déguster est un exercice sans faste ni manières, alternant ce soir-là Corbières, le sien et ceux d’amis, et Médoc notamment le fameux Tour Haut-Caussan 1990 en magnum, en dissertant sur leur personnalité et traits respectifs. Il parlait du tannat 100% qu’il commençait à élever en barriques, venues de Tour Haut-Caussan. Surpris par la facilité avec laquelle les vins se laissaient boire, j’écoutais, prenais des notes, questionnais, discutais et à un moment j’ai perdu pied… pour me retrouver le matin suivant tout habillé sur le lit d’une chambre au premier étage.
Il m’a emmené déjeuner à l’Abbaye de Lagrasse (ou était-ce Fontfroide ?) et là m’a confié qu’il ne pouvait pas laisser à un autre que Michel Creignou le soin d’écrire une suite genre « Vigneron des Corbières ». Pas sûr d’ailleurs qu’il en ait eu très envie, je n’ai pas cru bon d’insister, respectant sa fidélité envers le journaliste qui l’avait fait connaître au grand public. Le livre possible ne s’est jamais fait, dommage, j’aurais bien aimé qu’avec sa sensualité, son acuité et sa sagesse, il comment comment il allait élaborer « un vin[qui] ressemble à l’écriture d’un poème », ainsi qu’il le dit à la fin du livre, conclu en ces termes : » le vin a sa force interne, sa propre inertie qui conduit à la création. […] La création de l’art n’est pas intellectuelle mais la consommation de l’art passe impérativement pas l’esprit. »
Voilà quelques raisons qui nous font aimer les vins de Philippe Courrian et admirer hier comme aujourd’hui l’homme qui les produit, surpris de tout, étonné de rien, et la manière dont il mène sa vie, les étapes de sa pensée, de son imagination, de la maîtrise de son art auquel il tient.
(*) Vigneron du Médoc
Philippe Courrian, Michel Creignou, Éditions Payot, 1996, encore disponible neuf ou d’occasion sur les sites spécialisés — Rakuten, AbeBooks, Momox, Amazon, etc.
ALAIN DUTOURNIER, chef étoilé du Carré des Feuillants et du Trou Gascon à Paris, son ami (interview La RVF 2018)
« Philippe Courrian, c’est la mémoire du Médoc. Il n’a pas eu la chance de vinifier un grand terroir, sa propriété familiale étant tout au nord du Médoc. Mais justement, il a fait de Tour Haut-Caussan un vin sublime. Imaginez ce que cet homme talentueux aurait fait d’un terroir plus noble. Philippe, c’est la passion, avec une extraordinaire connaissance de la viticulture du Médoc. Il est allé ensemencer ses connaissances à Cascadais, dans les Corbières. Avec sagesse, il réveille ce vignoble. »
JACQUES DUPONT, Rédacteur en Chef Vin (article Le Point 2019)
« Blaignan, un point sur la carte dans ce coin perché du Médoc, non loin de l’estuaire, où rien ne semble bouger. Paysage identique de vignes et de petites routes où l’on peut se perdre, la présence du fleuve que l’on n’aperçoit pas, mais dont on devine en permanence la force. Rien n’a changé, sauf les propriétaires. Véronique et Fabien Courrian, quatrième génération sur le domaine, une famille médocaine pur jus depuis le XVIIe siècle (au moins), peuvent en témoigner : « On était dix-huit producteurs, on n’est plus que trois. Aujourd’hui, 60 % du vignoble appartiennent aux Chinois, 20 % au Crédit Agricole et le reste, c’est nous. Les problèmes de succession, les gens qui ont vendu leurs vins via la grande distribution et qui, pressurés, se sont retrouvés sans trésorerie... »
« Avec leur fichier de 6 000 clients, les Courrian qui ont toujours misé sur les particuliers, les cavistes et la restauration, maintiennent leur activité même si les temps sont difficiles. Les prix raisonnables pratiqués par le domaine n’y sont pas pour rien, mais c’est surtout la qualité des vins qui fidélise la clientèle. […] Tour Haut-Caussan a trouvé depuis longtemps son équilibre, une position délicate et qui demande de l’humilité de la part du vinificateur : un vin de garde, notre dégustation le prouve, mais qui peut se boire jeune. Philippe Courrian, le papa du duo, avait installé la légende, créé la notoriété. Fabien qui gère la vigne et le chai de Tour Haut Caussan, et Véronique qui s’occupe de vendre les vins y compris Cascadais en ont affiné les pratiques.«
« Philippe, lui, a pris le large ou plutôt le sud en rachetant en 1992, une petite vallée dans les Corbières qui a coûté le prix de trois hectares de médoc. Un paradis entouré de cascades – le vin délicieux qu’on y produit s’appelle Cascadais – d’où il sort rarement sauf pour venir voir ses enfants et casser la croûte avec son ami Michel Tesseron à Château Lafon-Rochet » (Grand Cru Classé Saint-Estèphe)
Dégustation Château Tour Haut-Caussan 2016 : 15,5/20 – Fruits noirs, fermé, bouche ronde, fondue, joli fruit, bonne matière, tanins vifs, un vin nerveux, fruité, tendu. Joli vin frais et de garde. 12,80 €.
Dégustation Château Cascadais (Bio) 2016 : 15/20 – Nez épicé, notes de garrigues, bouche serrée, tendue, fruits noirs. 7,80 €.
ATTENTION, les prix consentis pour les deux vins de la cuvée spéciale ‘Mtonvin’ n°7 ne sont pas ceux publiés ci-dessus: pour en savoir plus, contactez-nous via <contact@mtonvin.net>
La cuvée spéciale ‘Mtonvin’ n°7 est lancée. Disponible jusqu’au 1er juillet, l’offre est double : un fleuron du Médoc, Tour Haut-Caussan, et un Corbières au top, Cascadais, tous deux produits par la famille Courrian, proposés à un prix défiant toute concurrence. Déconfinez-vous !
Deux ans après la précédente cuvée spéciale (Marquis de Saint-Estèphe), le moment est arrivé de lancer la 7ème !
Après plusieurs recherches, excursions et dégustations notamment en Languedoc et en bordelais, le choix du groupe de dégustateurs ‘Mtonvin’ s’est arrêté cette année sur le château Tour Haut-Caussan 2016, exemple de la meilleure tradition médocaine, reconnu et apprécié des connaisseurs dans le monde.
Pour la première fois, la cuvée spéciale Mtonvin comprend 2 vins
Le 2ème vous le connaissez, également un 2016, c’est le château Cascadais (dont le 2011 — la cuvée spéciale n°4 — apprécié pour son corps, son fruit et ses arômes légèrement exotiques), produit dans les Corbières par Philippe Courrian, qui avait relevé le vignoble de Tour Haut-Caussan et restauré le moulin à vent, transmis depuis à ses enfants Véronique et Fabien.
Vous avez la possibilité de choisir un seul vin ou de panacher l’un et l’autre, ils sont tous deux accomplis et prêts à boire sans avoir à patienter.
En la période actuelle de pandémie, très difficile pour les viticulteurs privés à la fois de distribution dans l’Hexagone et d’export à l’international, c’est notre manière de soutenir la famille Courrian, dont les vins remarquables à prix raisonnable correspondent bien à l’esprit ‘Mtonvin’.
LA CUVÉE SPÉCIALE ‘MTONVIN’ N°7
— CHÂTEAU TOUR HAUT-CAUSSAN 2016: AOC Médoc. Cépages: 50% cabernet sauvignon; 50% merlot. Âge moyen des vignes: 30 ans. Superficie du vignoble: 17 ha répartis sur Blaignan (sol argilo-calcaire) et Potensac (graves), en Gironde. Production: 95 000 b.
— CHÂTEAU CASCADAIS 2016: AOC Corbières. Cépages: 32% vieux carignan; 32% syrah: 28% grenache noir; 4% mourvèdre; 4% cinsault. Âge moyen des vignes: 50 ans. Superficie: 25 ha à St-Laurent de la Cabrerisse (limon et sable), dans l’Aude. Production: 72 000 b.
— RÉSERVATIONS: jusqu’au 1er juillet 2020.
— PRIX: les prix consentis s’entendent sine qua non pour l’achat d’un volume cumulé de 10 000 bouteilles (cuvée n°6 précédente: 11 196 b). NOUS CONSULTER: contact@mtonvin.net. Faites connaître l’offre autour de vous pour atteindre le volume requis.
— LIVRAISON: semaine 42 (14, 15 et 16 octobre) aux points suivants : Paris, proche banlieue sud; sud Mayenne; Dax; Orléans; Haute-Savoie; Stuttgart.
— CONDITIONNEMENT: en cartons de 6, plus faciles à manipuler et à différencier : Tour Haut-Caussan cartons blancs, Cascadais cartons bruns. Quantités faciles à moduler par multiples de 6. Étiquettes signées Cuvée Spéciale Mtonvin n°7.
NOTRE RÉCIT DES VINS DE PHILIPPE COURRIAN (1)
Mon premier contact avec Tour Haut-Caussan remonte à décembre 1993. Je dînais à La Tupina à Bordeaux avec Alfred Tesseron qui, après vingt ans d’un effort obstiné, avait propulsé son pauillac Pontet-Canet aux tout premiers rangs des grands crus de Bordeaux (et qui finira par obtenir en 2009 la notation suprême de Robert Parker, 100 sur 100). Au moment de choisir le vin, Alfred en commande un dont je n’avais pas compris le nom immédiatement. Nous parlions de choses et d’autres, du passé — de New York où nous nous étions connus en 1974, alors qu’il était employé chez l’importateur Shaw-Ross, et que je réalisais pour la télévision française un programme sur la soul music. Il nous invitait mon épouse et moi dans la propriété qu’il avait louée à Long Island et nous buvions du Barton & Guestier dont il promenait des cartons dans le coffre de son Impala décapotable.
Au milieu du dîner Alfred (à gauche) me montre la bouteille, dont l’étiquette avec son moulin à vent est reconnaissable, et me dit d’une mine à la fois consternée et admirative: « je ne comprends pas comment il y arrive, je ne sais pas ce qu’il fait… »
Je ne m’intéressai pas tout de suite à ce vin de Blaignan, personnification du Médoc, remonté dans les classements des crus bourgeois dans les années 80. J’avais appris depuis que Château Tour Haut-Caussan avait vraiment décollé avec sa récolte 1973 vendue la plus chère du Médoc au négociant Alexis Lichine. J’étais plus concentré sur un autre miraculé, Château Cantemerle, haut-médoc relevé à partir de 1981 par une compagnie d’assurances qui m’avait confié une mission interne de communication. Puis au hasard d’achats dans un entrepôt à la porte d’Aubervilliers (Léonelli †), j’avais découvert le corbières Château Cascadais, sans réaliser qu’il était produit par le même vigneron que Tour Haut-Caussan.
Ces deux délectables crus ont été parmi les premiers à faire partie de nos cuvées spéciales des années 90, dont la diffusion était plus réduite qu’aujourd’hui.Tour Haut-Caussan et Cascadais étaient devenus des copains, nous les rencontrions régulièrement chez l’un ou chez l’autre de nos amis buveurs. Puis était paru Vigneron du Médoc en 1996, témoignage habilement mis en forme par le journaliste Michel Creignou (*), l’un des livres de vin les plus sympathiques, instructif, narratif, intelligent, humain et… nostalgique.
En voici quelques passages, édités pour le blog.
« Tour Haut-Caussan trouve l’origine de son nom dans le moulin qui occupait la sommet de la colline de Caussan. Quand mes parents ont acheté une partie du château Caussan, ils devaient rajouter un nom pour se différencier. Tout naturellement, en regardant les ruines du moulinils ont ajouté « La Tour » […] Près d’un siècle après, Château Latour, 1er Cru Classé de Pauillac, m’a fait un procès pour m’obliger à enlever l’article (à g. le 1975 avec l’étiquette avant suppression du « LA », à 68 € chez Cdiscount… NdE). C’était un peu fort de café mais que peut faire le pot de terre contre le pot de fer ? […] Ajoutons que dès qu’une propriété se créait en Médoc, le « châtelain » ne pouvait s’empêcher de construire une tour, accolée au château ou au milieu des vignes : il y avait 80 châteaux La Tour « quelque chose » en bordelais.
La
tour et le moulin
« L’année 1981 restera « l’année du moulin ». J’ai embauché un compagnon charpentier, Patrick Eymeric, et pendant un an nous nous sommes lancés dans une restauration vite devenue une formidable aventure. Un tailleur de pierre est venu refaire les marches d’escalier et j’ai acheté un vieux moulin à Queyrac pour en récupérer la meule et le mécanisme. L’architecture, les matériaux, tout a été refait à l’ancienne. La voilure assemble 6 600 bardeaux de châtaignier provenant de chez Richard à Guéret, dernier fabricant à l’ancienne de tuiles de bois, le rouet a pu être fait en ormeau et ses 40 alluchons en cormier. L’épisode du moulin a changé ma façon de le regarder, je me suis senti initié, la vision des Compagnons du tour de France a marqué de manière indélébile mon travail de longues années dans les vignes. »
Médoc et Haut-Médoc
» Le même nom Médoc s’applique à l’ensemble de la région qui couvre la rive gauche de la Gironde, de Bordeaux au Verdon, et deux AOC, le Haut-Médoc, et le Médoc, qui s’étend au delà de Saint-Estèphe. En fait, le pays fonctionne sur deux échelles, à la vitesse respective de chacune des appellations. Ce ne sont pas simplement des nuances de style mais une cohabitation de deux mondes mitoyens qui vivent à des années-lumière l’un de l’autre.
Dans le sud au delà de Saint-Yzans, à quelques
kilomètres de Blaignan où est situé Tour Haut-Caussan, commence un univers
qui n’a pas grand chose à voir avec le tradition médocaine : le Haut-Médoc des
grands châteaux, des crus classés, des aristocrates du vin, aussi loin que
Bruxelles ou Berlin, c’est un autre mode de vie séparé par une frontière.
Longtemps, l’endroit où je vivais s’est appelé Bas-Médoc, le bas pays, loin de la ville et du reste du monde, pour ne pas dire le pays des ploucs. Mentalité, approche, tout est différent, les propriétés du Médoc sont demeurées familiales, nous sommes des paysans. Alors qu’en Haut-Médoc, les châteaux appartiennent souvent à des banques ou des assurances, les domaines changent de main, les ventes sont difficiles à suivre et il est souvent délicat de savoir qui est le propriétaire. Et les vignerons du Médoc ne soupçonnent pas la qualité des vins produits dans le sud au-delà de Saint-Estèphe, incrédules, ils doivent penser qu’il y a un truc et ne sont guère admiratifs. […]
Drôle de pays le Médoc. Sur une centaine de kilomètres, la vigne apparaît comme une culture intensive. Mais ce n’est pas un pays naturel, c’est une œuvre intellectuelle, une nature domptée et façonnée par les hommes, depuis l’assèchement des marais qui le recouvraient au XVIIème. Des travaux gigantesques ont permis la construction de la digue des Hollandais, appelée ainsi en hommage aux ingénieurs qui l’ont construite et qui a mis deux siècles pour arriver jusqu’au Verdon. Au moyen d’écluses se fermant à marée montante et se rouvrant quand la mer descend, elle a protégé les terres d’abord plantées de céréales. Les Médocains ont construit 150 moulins à vent (dont le nôtre et six autres sur Blaignan) et certains ont continué à tourner jusqu’en 1939. Chaque propriété moulait ses grains, vivait en autarcie avec une mentalité insulaire, autour d’une basse-cour et d’une soue à cochons. »
Années 80, décennie prodigieuse
« Les années 80 ont couvert d’or le vignoble girondin. Pourtant cette période faste n’a pas eu le même goût pour toute le monde, l’appellation Médoc a fonctionné à deux vitesses. Si les propriétaires qui mettaient en bouteille ont décollé, ceux qui vendaient encore en vrac sont restés sur le quai. […] Entre 1982, point culminant d’une époque révolue, et 1990, le vignoble médocain a basculé vers la modernité. De nouveaux produits de traitement sont apparus, les œnologues-conseils sont devenus des stars, des choix se sont imposés et plus rien ne pouvait être comme avant. Les vins de Bordeaux ont pris une nouvelle direction, sont devenus luxuriants oubliant leur nature cosmique pour devenir plus industriels. En 1990, les vignerons ont cru qu’il ne serait pas possible de faire mieux qu’eux, que jamais plus Bordeaux ne connaîtrait la crise. Pendant les périodes fastes, comme après la Révolution ou pendant les années 1862-1879, ils ont toujours la même façon de penser, mais l’Histoire leur donne tort : les Bordelais sont les champions du péché d’orgueil. »
Le bonheur des vendanges
» La vendange c’est le grand moment de l’année, où le vigneron attend la récompense de son travail. L’anxiété monte insensiblement. […] À chaque fois je fais le même rêve, manquer de place dans mon chai pour rentrer tous les raisins. Je retrouve le nœud à l’estomac que j’avais en franchissant la porte de la pension de mon enfance. Et avec l’âge, la tension a tendance à monter, plus je mets la barre haut, plus l’anxiété gonfle. […] Chaque matin en me réveillant je mets le nez à la fenêtre pour me rendre comment marche le ciel. Les vendanges je finirai bien par les faire, techniquement tout est au point, je ne manquerai pas de vendangeurs, le cuvier est prêt, les pompes ont été vérifiées, mais j’ai l’angoisse de cette pluie qui peut mettre tout par terre. Et aussi de ne pas réussir le vin que je souhaite. Cette anxiété commence début septembre et ne s’arrête que lorsque le vin est logé dans les barriques.
Le premier jour des vendanges est toujours une libération. Alors tout se passe dans une ambiance exceptionnelle, les doigts collent, la chaleur est là, ça sent bon dans le chai… Chaque vendange a son parfum. En 1982 par exemple, quand le raisin a commencé à fermenter, on se regardait sans comprendre, les chais dégageaient des arômes de fruits rouges et noirs que personne n’avait jamais sentis.
[…]Les soirs de vendanges à Tour Haut-Caussan, c’est toujours la fête, les vendangeurs dansent dans la salle à manger. Et la soupe doit être bonne pour maintenir le moral de la troupe ! Car le travail est dur, surtout quand il pleut, les vendangeurs donnent beaucoup, et le chef de bande ou plutôt l’entraîneur que je suis leur donne aussi, je leur trace un cadre, je crée une ambiance.
Dans le temps, quand les raisins étaient rentrés, les propriétaires remerciaient femmes et hommes qui avaient durement travaillé. Dans le nord Médoc la fête s’appelait l' »aoucat », l’oie grasse cuite en daube accompagnée de haricots.; ailleurs c’était la « gerbaude. » La cuisinière recevait un bouquet de fleurs des champs qui était placé au-dessus de la porte du cuvier jusqu’à Noël en forme de promesse, celle du vin nouveau. Le dernier jour des vendanges c’est la fin d’un cycle, un mélange de joie et de tristesse, certains vendangeurs repartent en pleurant. »
La vigne, reflet de notre civilisation
» Il est faux de dire que la vigne doit souffrir, elle doit concentrer. Les grappes, ses petits, doivent avoir été conçues dans le bonheur. Après le 15 juillet commence la période éducative qui va se poursuivre jusqu’au vieillissement. Sous l’action de la chaleur, l’eau des raisins sera éliminée au fur et à mesure de l’été. Les bons millésimes sont ceux où la vigne a su concentrer les raisins au maximum, mais en même temps, si elle a souffert de manque d’eau elle ne donne jamais un grand vin.
La vigne m’apparaît comme le reflet de notre civilisation. L’intuition demeure la meilleure des conseillères et personne ne détient les clefs de la réussite. Je regarde ma vigne plus comme un philosophe que comme un paysan, c’est ma façon d’avancer, je réfléchis plus que je ne cultive. La vigne est devenue un mécanisme de pensée, une espèce de religion mais… je ne dirai jamais que ce que je fais est mieux. »
(*) Vigneron du Médoc
Philippe Courrian, Michel Creignou, Éditions Payot, 1996, encore disponible neuf ou d’occasion sur les sites spécialisés — Rakuten, AbeBooks, Momox, Amazon, etc.