NOËMIE DE SAVANNE
Adieu doudoune, good bye col roulé, fini le marcel et les doubles épaisseurs, moonboots à la remise : le réchauffement est là, le froid est devenu exotique.
Le festival du film d’environnement à Paris — une bonne dizaine sur le sujet du changement/réchauffement climatique — et la conférence de Miguel Torres le 13.11 dernier au WineFuture Rioja ’09 de Logroño (voir posts des 17 et 22.11) ont enfoncé le clou. Et les mares sont vides, les puits à sec et les calottes glaciaires continuent à fondre.
Volià ce que disait Miguel Torres, président des Bodegas espagnoles qui portent son nom : « on ne peut plus continuer à faire la même qualité de vin si la température continue à monter et le climat à changer ! Et pour chaque bouteille produite, on dégage environ deux kg de CO2. De nouvelles procédures de recyclage doivent donc être mises en oeuvre, mais c’est un challenge majeur pour les producteurs, comme la réduction de leur consommation d’eau. »
Bon, c’est chaud.
Et alors ? À part le carbone ennemi, la vigne va progresser en Hollande, en Angleterre, au Danemark même ? Pourquoi pas du sauvignon autour de la Baltique, avec les harengs ? Quels cépages sudistes vont-ils monter au nord, et quels nordistes descendre au sud ? Le grenache va pousser en Val de Loire, la syrah en Ile de France, et le tempranillo remplacer le petit gris de Toul ? Les vins de glace, on en a encore pour longtemps ? On va enfin cesser de chaptaliser ?
Sans réponse, nous allons interroger les uns et les autres — des climatologues, historiens du climat, sociologues de la température, experts INRA et pourquoi pas… des vignerons.
À suivre.
RAPPEL de 2006:
« Le réchauffement climatique pourrait modifier la carte mondiale du vin.
Déplacement des régions viticoles vers le nord, vendanges précoces, délocalisation des AOC, bouleversement des cépages: le monde du vin va devoir s’adapter au réchauffement climatique, préviennent les scientifiques.«
Cette tendance au réchauffement, Bernard Séguin, chercheur à l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA) d’Avignon, pense que pour le moment, c’est presque une bonne chose.
« L’augmentation de la température se traduit par des vins plus sucrés, plus alcoolisés, moins acides lors des vendanges« , explique-t-il, rappelant que « dans les années froides, on avait des vins moins alcoolisés, il fallait rajouter du sucre pour avoir un certain degré d’alcool« . Donc une année chaude, c’est plutôt une « bonne année » et c’est la tendance depuis une vingtaine d’années, indique M. Séguin. Mais il ajoute: « C’est bon parce qu’on est dans la gamme d’un ou deux degrés de plus mais quand vous allez au delà, vous ne savez plus trop ce qui peut arriver« .
Les experts des Nations Unies sur le climat tablent sur une augmentation de la température moyenne mondiale comprise entre 1,4 ° au mieux et 5,8 ° au pire d’ici à 2100. Ce réchauffement devrait entraîner « une progression significative des zones favorables à la culture de la vigne vers le nord« , selon l’Observatoire National des Effets du Réchauffement Climatique (ONERC). Du XIème au XIIIème siècle, les vignes étaient courantes dans le sud de l’Angleterre avant de disparaître sous le « petit âge glaciaire » (1550-1850). Le phénomène inverse semble en passe de se produire. « Qu’il y ait des vignes en Normandie, en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas à la fin du siècle, c’est tout à fait envisageable« , estime M. Séguin. De même, « on pourra se permettre de cultiver dans le nord des cépages qu’on trouve actuellement dans le sud de la France« , ajoute-il.
Une augmentation de 1° de la température moyenne d’ici à 2035, tel que prévu par un scénario d’experts de l’ONU, correspondrait à un déplacement des régions viticoles de 180 km en moyenne vers le nord. Cette remontée des viticultures au nord laisse planer la menace d’une délocalisation des appellations d’origine contrôlée (AOC), pourtant attachées à un sol, un climat et un mode de culture locaux. En France par exemple, chaque terroir avec son AOC va se retrouver avec des conditions qui vont énormément changer: « Seront-ils capables de faire le même produit ? Avec 1 ou 2 degrés de plus peut-être, mais au-delà la question est posée. Car la croissance de la vigne et la qualité du vin sont étroitement liées au climat local. » Ainsi, la sécheresse ralentit la croissance des plants si elle se produit avant la maturation des grappes, et elle diminue le stockage des sucres si elle sévit pendant la maturation. La canicule de l’été 2003 donne un aperçu de l’avenir: « En 2003, la récolte en France a été inférieure de 17% à la moyenne, presque uniquement pour raisons climatiques« , selon l’ONERC.
Paradoxalement, le réchauffement, en accélérant les dates de floraison, augmente les risques de destruction au cours des périodes de gel printanier tant redoutées des viticulteurs. Le changement climatique a déjà provoqué en France une avancée des vendanges de trois semaines, voire un mois dans certaines régions, depuis les années 1990 par rapport aux moyennes observées en 1945. « Un tel niveau de précocité n’avait jamais été observée depuis 500 ans« , souligne l’ONERC.
Source: AFP 05/10/2006
D’après Le Midi Libre du 14.12.09
Quelques prévisions de l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC).
En Languedoc-Roussillon : baisse du rendement (étés plus chauds). Sans une adaptation à la situation nouvelle, la perte de rendement pourrait être comprise entre 6 % et 26 %. En 2003, le Languedoc-Roussillon a déjà connu une telle situation et les viticulteurs ont pu constater les conséquences de la canicule. Certes, le millésime régional a été selon les commentaires des professionnels à l’époque « historique » en termes de qualité, mais au prix d’un rendement moindre: 58 hl/ha contre 66 l’année suivante (en 1980, le rendement moyen en Languedoc-Roussillon était de 80 hl/ha).
En Bourgogne à l’inverse, l’ONERC prédit une hausse de rendement. Ce qui aura des conséquences sur la qualité des vins. L’observatoire préconise donc de « procéder à des recherches génétiques pour de nouveaux cépages adaptés aux terroirs en matière de précocité, durée du cycle, besoins en froid, sensibilité au gel; de mener une réflexion sur l’évolution des AOC en lien avec le changement climatique; et de mettre au point de nouvelles techniques d’irrigation ».