COMMUNIQUÉ

La querelle des grands crus, du cépage et du terroir se poursuit en Alsace.
Comme il nous l’avait dit sur place le 13 juin dernier, Jean-Michel Deiss* a lancé un vaste chantier de définition du lien au terroir dans les 51 lieux-dits concernés par la mention « Grand Cru ». Sa méthode privilégiant le terroir n’a pas fait l’unanimité**.

Lors d’une conférence de presse le 3.12 à Paris, le directeur de la cave coopérative de Pfaffenheim, Alex Heinrich, a ouvert le débat : « il y a les partisans de la spécialisation des Grands Crus, avec un cépage principal qui serait le mieux adapté à exprimer tout ce que le terroir peut apporter, comme le riesling dans le Schoenenbourg; les partisans de l’élargissement des cépages autorisés, comme le sylvaner dans le Zotzenberg, voire le pinot noir dans le Vorbourg; et les partisans de l’assemblage, comme dans le Kaefferkopf et l’Altenberg de Bergheim. »

A. Heinrich a fait référence à une autre querelle : « Il y a les partisans et les opposants de l’indication des cépages sur l’étiquette. Dans le monde entier, la lecture du vin commence par le cépage, pour donner une idée de la saveur et du goût du vin. Je pense que ce serait une erreur colossale d’enlever le cépage pour ne laisser que le terroir. Je sais bien qu’il y a de très grands viticulteurs qui pensent différemment. »

Jean-Michel Deiss reconnaît qu’il « avait essayé de mettre la pression au maximum dans les premiers mois » mais qu’il a « aujourd’hui l’intention d’avoir une approche plus libérale » en laissant le choix à chacun des syndicats. Il dénie avoir demandé à chaque Grand Cru de choisir un cépage unique, et il n’est pas contre l’idée que le cépage puisse être « mentionné en petit, par exemple sur la contre-étiquette ».

Mais J. M. Deiss persiste à penser que le cépage est un mauvais cheval de bataille dans la compétition mondiale pour les vins d’Alsace, en raison du contexte réglementaire très libéral en particulier sur les vins de cépage sans IG (Indication Géographique). C’est pourquoi il a proposé qu’un débat soit organisé avec l’ensemble des vignerons alsaciens sur le lien au terroir, pour l’heure refusé. Pour lui, il y a une crainte d’ « ouvrir la boîte de Pandore de la segmentation », ce qui justifierait également la décision récente de l’INAO de gérer le dossier du lien au terroir, plutôt que de laisser à chaque appellation le soin de définir son identité. Pour les Grands Crus d’Alsace, le travail de définition reprend dès janvier.

Source: Vitisphère 23.12. 09

ET PENDANT CE TEMPS… Les Chiliens travaillent leurs terroirs et font des Grands Crus.***

* vigneron et président du Syndicat des Grands Crus Alsaciens. J. M. Deiss est le précurseur de la complantation en Alsace.

**générant de vives discussions, comme en témoigne l’envoi d’une lettre signée par 200 vignerons à l’AVA (Association des Vignerons Alsaciens) en juin 09 : « S’il est vrai qu’un grand vin sec illustre à merveille un terroir, vouloir se priver de la possibilité d’en exprimer toute la quintessence grâce au caractère unique apporté par la symbiose entre un botrytis de grande qualité, un grand terroir et un millésime d’exception, serait un contresens agronomique, technique et commercial. Même si vous jugez cette cohabitation possible, votre position sur ce point demande une définition très claire. »

*** notamment le Carmín de Peumo chez Concha Y Toro (vallée du Maipo), élaboré par Ignacio Recabarrren à 90% en carmenère, vendu 100 € uniquement sur le marché anglo-saxon; ou la cuvée Antiyal (vallée du Maipo), élaborée en biodynamie par Álvaro Espinoza, 65 €.
Voir Le Monde Magazine n°101 du 01.01.2010, pp. 20-22.