Bientôt un film sur Robert Parker, starring… Javier Bardem (le tueur perruqué de No Country For Old Men oscarisé en 2008) qui va jouer le rôle de « L’Empereur du vin ».
Scénario d’après le livre The Emperor of Wine, d’Elin McCoy (le sous-titre n’est pas neutre : The Rise of Robert M. Parker Jr. and the Reign of American Taste), qui marche très bien aux USA.
Avec, dans le rôle de Michel Rolland, l’oenologue barbu raillé par Jonathan Nossiter dans Mondovino : Paul Giamatti, qui jouait en 2004 dans la comédie Sideways le rôle d’un professeur paumé de San Diego, écrivain raté et dégustateur recrachant peu.
On parle aussi d’un autre film à propos du JUDGMENT OF PARIS, l’histoire de la première grande dégustation internationale organisée à Paris par le marchand britannique Steven Spurrier en 1976, au cours de laquelle les jurés en majortié français ont attribué, à l’aveugle, la meilleure note à un vin autre qu’hexagonal (un californien), une petite révolution qui a amorcé la (re)connaissance des vins du nouveau monde.
Trente ans plus tard, ce « Jugement de Paris » a eu lieu à nouveau, mais cette fois, ce sont quatre vins de Californie et un de Long Island qui se sont classés dans les cinq premiers devant les mêmes trois grands français, placés d’ailleurs dans le même ordre qu’en 1976 – Mouton Rothschild, Montrose, Haut-Brion…
Ces épisodes sont méconnus ou ignorés du public français.
Alors, encore un peu de French Bashing messieurs-dames ?
Voir le livre Judgment of Paris, California Versus France, par George M. Taber, préface de Robert Mondavi, Scribner, 2005 (non traduit en français, photo de couverture ci-contre).
Et aussi <en.wikipedia.org/wiki/Judgment_of_Paris_(wine)>
Ouvrage désormais traduit en français sous le titre « Le Jugement de Paris » (Ed. Gutenberg, août 2008). Jonathan Nossiter accuse ce livre, dans son “Le Goût et le pouvoir” (Grasset, oct. 2007, p. 373-374) de “chauvinisme éhonté”. Il juge que G. M. Taber, alors correspondant du magazine Time à Paris, en proclamant “que l’Amérique était le nouveau David du monde du vin, déclencha une déferlante médiatique aux quatre coins de la planète” et qu’il a donné naissance au phénomène Robert Parker. Parker aurait “ouvert la boîte de Pandore” et créé un “engouement fondé sur le goût réflexe peu évolué et le chauvinisme” et dicté “les changements dans la façon de faire et de boire le vin partout dans le monde”, conférant “une légitimité absolument spécieuse à la notion de jugement objectif, mathématique et empirique dans le domaine du vin”.
Se demandant comment en 1976 les vins californiens ont pu être jugés supérieurs, Nossiter avance que c’est parce qu’ils étaient “infiniment plus fruités, plus doux et plus immédiatement attirants que les jeunes bordeaux, forts en tanin dans leur jeunesse, distants, peu engageants”: n’aboutit-il pas 25 ans après, à la même constatation que Robert Parker ? Ce dont les bordelais ont tenu compte, en produisant depuis des vins qui ont moins à attendre ? Bon dès maintenant et meilleur dans dix ans !
Depuis son film Mondovino (2004), Nossiter n’a toujours pas réglé ses comptes avec Parker, Michel Rolland, ou Victor de la Serna, qu’il qualifie de Parker espagnol et qui aurait selon lui contribué à tuer le rioja à l’ancienne; ni avec une majorité de ses concitoyens américains, consommateurs conformistes au portefeuille bien garni et friands du goût de bois, du jus sucré à la forte attaque en bouche mais sans longueur; ni bien sûr avec les innombrables auteurs d’« attentats au goût » que sont pour lui les producteurs arrivistes et sans finesse représentant l’hégémonie du goût américain (de la culture américaine).
Mais son livre “Le Goût et le pouvoir” est suffisamment riche et intéressant pour je vous en parle bientôt, en même temps que de “Les Bons vins et les autres” du pionnier Pierre-Marie Doutrelant, redécouvert par Hervé Lebec (”Lire, voir, boire”), et aussi de “Choses bues” de Jacques Dupont (Grasset, sept. 2008).
DB