D’après MARIE-LOUISE BANYOLS | Blog LES 5 DU VIN
Ceux qui assistaient à MUSICA VINI le 10 septembre 2016, et qui ont pu déguster le vin conjugué au jazz manouche de la chanteuse Lucy Dixon au 3ème concert vont se souvenir de ce vin catalan. Le viticulteur DIEGO SOTO, qu’il en soit à nouveau remercié, avait traversé la France pour venir nous faire goûter son RUCADA. Voilà in extenso l’article que lui consacre ce matin Marie-Louise Banyols.
RUCADA c’est le nom catalan du vin, qui veut dire ânerie en français et comme vous allez le voir, ça n’est pas neutre ! Il est originaire de l’Empordà (Costa Brava), plus précisément de Selva de Mar (ci-dessus). C’est un 2015 et il vient du MAS ESTELA.
La bouteille m’a été offerte par mon ami, Didier Soto (Diego pour les intimes, ci-dessous) propriétaire du domaine et vieille connaissance, puisque, si ma mémoire est bonne, je crois que c’est un des premiers « cellers » que j’ai visité en arrivant en Espagne.
J’avais référencé ses vins, non pas à cause du paysage qui est à couper le souffle, ni à cause de la forte personnalité de Diego, mais tout simplement parce qu’ils m’avaient parlé. J’étais convaincue qu’à défaut d’être ce qu’on appelle « commerciaux », ils étaient dotés d’une forte identité, à côté de laquelle je ne pouvais ni ne devais passer.
Comme je le prévoyais, ils n’ont pas été faciles à vendre, mais les amateurs de vins de caractère étaient aux anges. Ils avaient compris que ces flacons ne pouvaient se boire dans leur jeunesse, il fallait avoir la patience de les attendre. Pour saisir le style des vins de Mas Estela, il faut savoir que cette propriété est située dans le Parc naturel du Cap Creus, à 3 km de la mer, là où les éléments se déchaînent !
Altitude, schiste, vents forts, soleil et mer profilent les vins : ils sont puissants, c’est comme ça, on ne peut pas changer leur caractère. Mais si on sait les attendre, on boit des bouteilles merveilleuses : le 2001 est à l’heure actuelle exceptionnel. Diego a compris la force de son terroir et il a toujours rêvé de ne faire qu’un seul vin, le Vinya Selva de Mar au départ, un seul qui à lui tout seul traduirait la beauté et la force de son environnement.
J’ai oublié de spécifier que tout son vignoble est travaillé en biodynamie, dont il est un fervent défenseur. Il a voulu transmettre à son fils Didac qui l’a rejoint, tout son ressenti face à cette nature dominante. La transmission n’est pas facile, la vision d’un vin unique de Diego n’a pas convaincu Didac. Alors est arrivé le Quindals, moins macéré, plus vite commercialisable.
Nuriac, le fils de Diego et Nuria, avec ses ânes, et la bouteille de Quindals.
Pourtant Diego ne lâche pas prise, Il continue d’imprimer sa pâte, il ne veut pas abandonner 40 ans de sa vie. Mais malgré le conflit générationnel, c’est ensemble, qu’ils élaborent un vin à boire plus jeune : Rucada, une « ânerie » dans ce terroir aux rendements si faibles et qui en aucun cas ne peut donner naissance à des vins de soif ! Et en choisissant cette étiquette, il nous le fait savoir. Je souriais en débouchant la bouteille, j’imaginais Diego pestant, mais finalement il était heureux puisqu’il me l’a donnée à goûter !
C’est un grenache pur, avec moins de macération que les autres cuvées, juste une « macération lunaire », soit 27 jours.
Pas d’élevage en barriques, le vin est élevé dans des jarres de 1 000 litres entre 8 mois et un an. Dans des jarres, parce que la vie ne prend forme que dans des formes rondes. Il a voulu faire disparaître tout type de maquillage du vin : la jarre en effet ne transmet aucun goût.
Sois sans crainte Diego, ce vin a gardé ta pâte et la marque de son terroir, très méditerranéen, il se veut facile à boire et l’est, en tout cas, plus que les autres. Pourtant, il reste puissant, il titre encore 15º, mais c’est totalement maîtrisé, l’alcool est bien intégré.
Les fruits rouges, surtout la prune, accompagnés de notes de garrigue méditerranéenne dominent le nez, tandis que la bouche leur associe des touches mentholées et de réglisse très fraîches et agréables.
La matière est là mais les tanins sont veloutés, la finale est ferme mais pas agressive. Ça n’est pas un vin glou, glou, il garde tout son caractère mais avec charme, il coule pleinement, son équilibre et son harmonie sont l’expression même d’un remarquable travail sur un très bon terroir.
RUCADA, une cuvée fruitée, fraîche et cordiale certes mais signée Mas Estela.
La production de RUCADA : 12 000 bouteilles.
Le prix est plus que raisonnable : 9,75 €
La production totale du domaine est peu élevée : 20 000 bouteilles pour 17 ha, mais… c’est le Cap Creus.
Si vous avez la chance de passer par là, n’oubliez pas de vous y arrêter.
Vinya Selva de Mar, le « VIN » de Diego Soto.
Hasta Pronto,
Marie Louise Banyols.