De passage à Cheverny, je n’ai pu m’empêcher de prendre contact avec la vedette locale
– non, je ne parle pas de Tintin à Moulinsart, mais du romorantin, le cépage identitaire de l’appellation Cour-Cheverny où il fête les cinq siècles de son arrivée ici.
Son histoire est intéressante. Fils du gouais, comme tant de cépages français, il est aussi fils du pinot noir, ce qui en fait un frère du chardonnay, de l’aligoté et du melon de Bourgogne, qui ont les mêmes parents. C’est d’ailleurs de Bourgogne qu’il arrive à Romorantin, apporté à la demande de François Ier, qui voulut un temps faire de la petite bourgade solognote sa capitale et y construire son château idéal, vignes comprises. Avant de se rabattre sur Chambord. On peut donc dater précisément son arrivée dans la région : c’était en 1519, cinq siècles tout juste !
Aujourd’hui, on en trouve sur une soixantaine d’hectares, entre Cormeray au Sud et Montlivaut au Nord, sur une bande de terres sableuses et siliceuses qui longe la Loire jusqu’aux abords de la Sologne, sur une dizaine de kilomètres.
Vieilles vignes !
Autre fait saillant dans la longue histoire du romorantin : à Soings-en-Sologne, au Domaine de la Charmoise, Henri Marionnet en possède 36 ares, 36 ares qui n’auraient sans doute pas atteint une telle célébrité s’il ne s’agissait de vignes franc de pied, pré-phylloxéra et donc probablement, parmi les plus vieilles vignes de France.
A noter que depuis quelques années, on replante du romorantin sur le domaine du Château de Chambord lui-même (ci-dessus). Il s’agit là plus que d’un clin d’œil à l’histoire, mais d’une véritable renaissance (sans jeu de mots). Pour le 500ème anniversaire du château (et du romorantin en Loire), ce sont 7,5 hectares qui devraient rentrer en exploitation, dont une bonne partie en franc de pied, la première récolte devant ce faire cette année.
En attendant, j’ai dégusté trois exemplaires de vins déjà à la vente, en sec et en demi-sec.
Domaine de la Champinière / Cour-Cheverny 2018
Preuve que les notes de dégustation n’ont parfois pas grand-chose avec la géologie, ce vin de sables m’a paru très minéral, au sens de roche, de pierre à fusil. Il est bien sec, mais ses jolies notes florales, au nez comme en bouche, tempèrent cet aspect un peu brut de décoffrage. Il y a de la subtilité dans ce vin encore tout jeune, qu’on peut résolument garder en cave.
Alain Chéry exploite ce domaine familial de 14 ha, situé à Cour-Cheverny, et qui produit des vins des deux appellations Cheverny et Cour-Cheverny.
Prix à la Maison des Vins de Cheverny : 9,40 €.
Benoît Daridan / Cour-Cheverny Vieilles Vignes 2016
« Miel et fleurs blanches », promet la contre-étiquette. Pas faux, dirais-je. Mais si ce nez charmeur laisse imaginer une bouche un peu molle, la suite dément formellement: ce vin est à la fois structuré et plein de vivacité.
Situé à Cour-Cheverny, le domaine Daridan compte 21 hectares. Une petite partie de la cuvée (20% environ) est élevée en bois.
Prix à la Maison des Vins de Cheverny (pour le millésime 2017) : 11,10 €.
Domaine du Vardet, Cour-Cheverny demi sec
La douceur du roi 2017
La pomme est un arôme assez fréquemment perçu dans les vins, mais souvent, dans le style granny smith, pomme verte ; alors qu’ici, on a plutôt la version douce, golden. La bouche ajoute des notes de fleurs de sureau et d’acacia. Cette cuvée est issue de raisins récoltés en sur-maturité ; sa douceur est très bien fondue ; un style de vin délicat, assez, plus tendre que sucré, qui se prête aussi bien à l’apéritif qu’au repas.
Le Domaine du Vardet (8 hectares à Mont-près-Chambord répartis entre Cheverny et Cour-Cheverny) appartient à la famille Morin.
Prix à la Maison des Vins de Cheverny : 9,90 €.
Une deuxième vie ?
Si vous passez à Cheverny ou à Chambord cet été, profitez-en pour vous faire votre propre idée sur ce petit frère de l’incontournable chardonnay. En dégustant un romorantin, vous marcherez dans les traces de François 1er. La salamandre, animal fétiche de ce roi, n’était-elle pas censée renaître de ses cendres ?