DANIEL J. BERGER

Courriel à Martine et Bernard Collet le 25.12.2010

Bien chers amis,
il y a tout juste quatre ans, je vous avais décrit le repas exceptionnel de Jérôme Ségur que vous n’aviez pu honorer de votre présence, pourtant sollicitée.
Aujourd’hui, je vous relate notre dîner de vendredi soir 24 décembre, auquel vous n’étiez malheureusement pas invités faute de place suffisante dans notre logis.

En ce qui me concerne, l’après-midi avait commencé chez Lavinia par une dégustation de cidre de glace et d’Ice Wine du Canada (90 €/b !), puis du vin doux de Commandaria de Chypre, entre Porto et Xérès.

Nous nous étions rendus en famille, neuf adultes et trois petits, à la messe de minuit pour les enfants, concélébrée à 19h par Monseigneur Aupetit. Elle s’était déroulée dans une douce quiétude, baignée par les harmonies précises du bel orgue tenu par Jean-Michel Louchart à la paroisse Saint-Marcel. C’est l’un des meilleurs instruments modernes à Paris, œuvre du maître organier nantais Beuchet-Debierre, qui compte 54 jeux de tuyaux disposés « en biseau » sur toute la largeur de l’église, inaugurée il y a moins de 20 ans.

Revenus chez nous, des paquets jonchaient le pied du sapin, le Père Noël venait de passer.

Dans nos flûtes pétillait vite un bel et bon Deutz en magnum.
Notre appétit avait été aiguisé par la marche dans les rues froides et enneigées.

Le foie gras, que ce champagne allait accompagner, avait été rehaussé d’un soupçon de cognac par Agnès, qui le tranchait pour nous sans retenue ni avarice.

Puis sont arrivés deux chapons rôtis (du Gers, maison Olivier Donne, rue de la Convention), qui avant cuisson avaient été pochés par Bully dans un bouillon de poule fait la veille. Ils étaient servis avec le jus de cuisson, déglacé au vinaigre de framboise, suivant la recette de Guy Martin (*). Ils étaient fourrés aux marrons et présentés avec des légumes cuits à la vapeur — panais, topinambours, navets jaunes et blancs, et carottes.

Sur la viande blanche généreuse, moelleuse et parfumée, et les légumes aux saveurs fines et discrètes, le Margaux, un Marquis d’Alesme Becker 1999, faisait avantageuse impression, plus en sortant de la bouteille juste débouchée que de la carafe où il avait patienté une heure : il est toujours délicat de savoir combien de temps à l’avance ouvrir un bordeaux de plus de 10 ans. Onctueux sans lourdeur, charmeur sans ostentation, suffisamment à maturité pour réussir le « pairing » avec les chapons, qui lui ont élégamment ménagé le devant de la scène au final.

Après est venue une salade mélangeant jeunes pousses d’épinards, roquette, feuilles de chêne rouge et batavia, assaisonnée d’huile d’olive et de vinaigre balsamique aromatisés d’estragon et de persil plat frais.

Sur les fromages dont un vieux cheddar et un Stilton, nous avions le choix entre un Porto 2005 de Quinta Nova (20° alc.) et un doux naturel grec Anatolikos 2000 de Gaia (13,8° alc.), avec lesquels nous avons continué sur les desserts, une bûche au chocolat choisie par Camille, nappée de crème à l’orange et truffée de meringue et framboise, accompagnée de cup cakes, petites génoises (crème au beurre) aux parfums variés.

Pour finir, avec le café, de petites verres d’Armagnac (1982, domaine Sancin à Betbezer, 45°) et de grappa (« Grappino » Bertagnolli, 40°, distillée à Bagnomaria in Mezzocorona dans le Trentin).

Voilà chers amis le menu de notre réveillon que nous aurions aimé partager avec vous.

Bien amicalement.

(*) CHAPON RÔTI, pour 10 personnes, 1 chapon de 3,5 kg, recette de Guy Martin.
— La veille, préparer un bouillon de volaille (ci-dessous), à conserver au réfrigérateur.
Bouillon : mettre dans une marmite la poule coupée en morceaux et les carcasses; puis couvrir largement d’eau froide. Porter doucement à ébullition et écumer avec soin. Ajouter carotte, champignon de Paris, poireau, céleri, oignon, persil, bouquet garni. Saler et laisser cuire à feu doux au moins 3 heures. Passer au tamis puis dans une mousseline.
— Le jour même : envelopper le chapon dans une gaze, à nouer autour des pattes. Le poser dans une marmite et verser le bouillon froid. Mettre à feu moyen jusqu’à un léger frémissement, puis laisser cuire à feu très doux pendant 4h. Le bouillon ne doit pas frémir et rester à peu près à 90°. Enlever le chapon dans un plat chaud, le couvrir et laisser reposer 30′. Ôter la gaze et servir avec du gros sel et du poivre au moulin.
in Toute la cuisine, Seuil, 2003, 1128 p.