LES VIGNERONNES DE SETÚBAL (3)
PEGÕES, 4ème COOPÉRATIVE DU PORTUGAL
Après la success story de la famille de Freitas, due en particulier à la quatrième de la lignée des femmes qui ont fait de leur entreprise vinicole un emblème de réussite — illuminant le visage des collaborateurs dès qu’ils parlent d’Ermelinda Freitas de Fernando Pó —, voici une autre réussite, celle de la Coopérative de Pegões créée ex nihilo il y a 60 ans.
Son nom complet est Cooperativa Agrícola Santo Isidro de Pegões. Santo Isidro, le saint des paysans, qui donne son nom à l’église de l’immense domaine donné à l’Etat portugais à la fin des années 1950 par son propriétaire, le magnat de la bière José Rovisco Pais.
Le gouvernement de l’époque avait alors mis en œuvre un programme de « colonisation », attribuant les terres pour rien aux travailleurs agricoles et plantant plus de 800 hectares de vignes. La coopérative a été créée pour gérer les récoltes et structurer la production de vin.
C’était bien avant la « révolution de velours » qui a entraîné à partir de 1974 un mouvement en profondeur de redistribution de la propriété au Portugal, souvent dans un grand désordre notamment à Pegões, qui a stagné pendant de nombreuses années.
Cette période est bel et bien terminée : 15 millions € ont été investis dans de nouvelles installations de vinification, de production (presses, embouteillage et conditionnement), de stockage (3 000 barriques de vieillissement réparties en plusieurs chais), et dans les accès (réception des vendanges, livraison, etc.). L’ensemble est spectaculaire et le résultat impressionnant.
Une centaine de coopérateurs exploitent ici 1 200 hectares. En 2018, leur coopérative a produit 16 millions de bouteilles. « Il y a une liste d’attente d’une soixantaine de vignerons qui veulent nous rejoindre, » précise Eva, une jolie femme sure d’elle-même qui, comme celles de la Casa Ermelinda Freitas, est passionnée par son travail, attentive, convaincante, volubile (en anglais): « la demande est bien supérieure à l’offre et nous prévoyons de passer à 18 ou 19 millions de bouteilles dans 3-4 ans. »
Après m’avoir montré les gigantesques cuves inox verticales en extérieur, elle mène tambour battant la visite des chais et des bâtiments de production sillonnés en tous sens par de jeunes femmes caristes, pour arriver au salon de dégustation où nous attend une dizaine de bouteilles. Il est 17:30, il va falloir faire vite.
La production est à 60% vin rouge, 30% blanc dont la moitié d’effervescent, et 10% rosé, dont la proportion ne cesse d’augmenter. Le terroir « pliocénique » est celui décrit hier à Palmela par Henrique Soares : situé entre les deux réserves naturelles formées par les estuaires du Tage et du Sado, essentiellement sableux, posé sur un réservoir d’eaux souterraines, les vignes sont bien protégées par les collines de l’Arrabida —, climat méditerrannén tout proche de l’Atlantique, dans un décor majestueux propice à l’œnotourisme.
Exportation pour 35% de la production dans 40 pays dont une bonne partie en Afrique ex-lusophone et au Brésil. Classée 37ème coopérative du monde et 4ème au Portugal. Nombre incalculable de médailles d’or dans les concours internationaux.
LA DÉGUSTATION porte sur les rouges monocépage (100 % d’un même) d’Adega de Pegões, l’une des sept gammes de la coopérative. Les vins titrent 14°.
Merlot 2016 (4 €) : le premier des 7 frères de cette gamme monocépage à avoir été produit (étiquette identique, de couleur différente pour chacun); aragonez 2016, créé en 2004 (4 €); syrah 2017, le plus populaire (4 €) — le 2ème vin, tout à fait honorable, plus léger, est à 2,50 €; touriga nacional 2017 (5,60 €); trincadeira 2015 ci-contre (5,60 €); alicante bouschet 2016 (5,60 €); cabernet sauvignon 2016 (5,60 €) : comparé à des CS français notamment bordelais, où ce cépage est considéré dans certaines parties, le libournais par exemple, comme « tardif » et « long à murir » et qui peut se montrer parfois un peu rude dans les assemblages, il est là léger, d’une rectitude remarquable, ample en bouche, fin et racé, désaltérant (****/5).
La dégustation des rouges monocépage est complétée par celle d’un blanc 2018 : assemblage équilibré bien que complexe (30% fernão pires, 25% antão vaz, 25% verdelho, 10% arinto, 10% chardonnay), sans grande typicité, goût international. D’un rouge Sélection (25% touriga nacional, 25% trincadeira, 25% cabernet sauvignon, 25% syrah) sans véritable personnalité (7,50 €). Et d’un Grande Reserva produit juste à 10 000 exemplaires (syrah 35%, touriga nacional 30%, aragonez 20 %, alicante bouschet 15%), puissant, à attendre (14,5°, 15 €). Et clôturée par un moscatel de Setúbal 100% (17,5°, 4,50 €).
Les vins de la Coopérative de Pegões sont en vente à Auchan, Intermarché, Lidl
PROCHAINE ÉTAPE : QUINTA do PILOTO