AURIEZ-VOUS BU LE VIN DES CHARENTAIS ? (3)
DANIEL J. BERGER
On l’avait oublié, le vin du pays charentais est plus ancien que le cognac qui a rendu la région mondialement célèbre. Oublié ou ignoré ? Le vignoble des Charentes s’étend d’Angoulême au bord de Gironde au nord de Blaye, jusqu’à La Rochelle, l’Ile d’Oléron et l’Ile de Ré, 1 500 ha éparpillés dans un océan de vignes 50 fois plus étendu sur 75 000 ha entièrement dédiés au cognac.
Sortir de l’anonymat qui les occulte encore, leur attacher une vraie identité — entre « bouquet de pays » et « 600 vignerons, une signature » — se faire déguster et désirer, tels sont les objectifs fixés aux vins du pays charentais par leur syndicat, qui avait invité quelques journalistes à venir découvrir son vignoble polymorphe, réparti entre le 16 (Charente) et le 17 (Charente Maritime).
Suite et fin du voyage-dégustation sur place le mois denier.
Avant de venir ici je n’avais jamais bu de vin du pays charentais.
Autant qu’une diversité presque déroutante de vins débarrassés du rustique tout en restant « de plaisir », le plus souvent attrayants, à des prix qui le sont aussi, entre 3 et 7 €, 10 € grand maximum, j’ai rencontré des vignerons aussi dédiés à leur art que concernés jusqu’à l’inquiétude par l’avenir de leurs crus — un tiers blancs, un tiers rosés et un tiers rouges, consommés aux trois quarts localement, ne sortant pas assez de chez eux.
Oui, concernés jusqu’à l’inquiétude.
Si leur relation, organique, avec le cognac et le pineau des Charentes n’est pas loin d’être incestueuse, ou à tout le moins schizophrène, on sent bien qu’ils ne veulent plus simplement faire du vin « en plus » mais revendiquent la qualité sine qua non, tout comme les viticulteurs qui nous intéressent sur la planète, et ont envie d’asseoir leur appellation, d’installer pour de bon un image collective.
Sans pourtant savoir ou pouvoir complètement renoncer au confort de la distillerie ou à la facilité des vins de table — dits de l’Atlantique et sans IG (*). (suite…)