par Daniel J. Berger | Déc 26, 2015
DANIEL J. BERGER
« Une religion sans vin est comme un homme sans esprit » remarque le rabbin de Strasbourg Mendel Samama dans Le Vin et le Sacré publié par l’éditeur Féret, celui du fameux guide Cocks et Féret Bordeaux et ses vins qui fait autorité depuis 1850, dans la collection Le vin et… l’amour, la musique, la médecine, la mer, etc. Un « beau livre » de vulgarisation signé de la journaliste du vin Evelyne Malnic.
« Partout, dans tous les pays, l’histoire de la vigne est attachée à des mythes. Aucune tradition n’attribue la création du vin à l’être humain » écrit-elle. « Ce sont Osiris, Dionysos et Bacchus les révélateurs ». Depuis leur début, les religions les plus répandues ont chacune une relation liturgique plus ou moins fusionnelle avec le vin, qui a pris la première place au détriment des autres boissons offertes aux dieux. Le vin de vigne, car il en existe d’autres — palme, fruits, céréales, etc. —, né apparemment au VIIème siècle avant notre ère entre la Géorgie, l’Arménie et la Turquie (Shiraz-Syrah), aurait formé un couple, vin et divin, avec l’ensemble des pratiques religieuses — les mythologies (grecque, romaine, celte), les cultes orientaux (hindouisme, bouddhisme, taoïsme, mais sans pénétrer la Chine ni le Japon), et les monothéismes (judaïsme, christianisme, islamisme). C’est ce « couple », terme qu’affectionne l’auteure, qui fait l’objet du livre d’Evelyne Malnic, dont le sous titre est « À l’usage des hédonistes, croyants ou libres penseurs ».
Le vin au cœur
Le vin appelle à un attachement profane assez identique selon les régions où il est produit, mais non à la même dévotion religieuse selon les cultes qui y sont pratiqués. Parce qu’il naît de la fermentation dont le phénomène est immuable contrairement aux doctrines, le vin a sans doute moins mué que les pratiques religieuses au cours de l’histoire. Les rites sacrificiels d’humains puis d’animaux dans l’Antiquité méditerranéenne pré-judaïque par exemple, laissent progressivement place à la prière et les beuveries ou libations aux bénédictions sur la coupe à chaque fête religieuse juive (1). Donc plutôt que de partir des religions, par essence exclusives les unes des autres, le livre prend le vin comme personnage central et peut ainsi explorer à même distance les motivations et usages des différents religions et liturgies à son égard. Impliquant qu’au cours des 9 000 ans de son histoire, la boisson favorite des dieux et de leurs prêtres a agi comme passeur de religions et de civilisations.
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